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In Nomine Domini

In Nomine Domini

« Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité » (Jean XVIII. 37)


L'ours et la bête de la mer dans l'Apocalypse

Publié par Jean-Baptiste sur 27 Juillet 2015, 07:17am

Extraits de la 3ème édition de mon livre, sur l'image de l'ours associée à la bête de la mer :

Le chapitre XIII commence ainsi : « Puis je vis monter de la mer une bête ayant des cornes et sept têtes, et sur les cornes dix diadèmes, et sur les têtes des noms de blasphème. La bête que je vis ressemblait à un léopard ; elle avait les pieds comme d'un ours, et la gueule comme d'un lion. Le dragon lui donna sa puissance, son trône et une grande autorité. Une de ses têtes paraissait blessée à mort, mais sa plaie mortelle guérit, et toute la terre émerveillée se mit à suivre la bête » (versets 1 à 4).

Le Père Kramer écrit : « Le lion est l'emblème de la papauté dans l'Apocalypse ; et la voix du Pape est comme la voix du tonnerre qu'on entend dans le monde entier. L'Antéchrist, le vicaire de Satan, présentera des traits de ressemblance avec le vicaire du Christ. La gueule de lion de la bête surmontera toute opposition en répandant une propagande mensongère, diffusant ses doctrines et commandant le monde entier ». D'emblée, la bête semble donc être associée à un antipape : car elle a la gueule du lion, à l'imitation du Pape ; et elle règne sur toute la terre, c'est-à-dire sur les pécheurs, sur les modernistes, sur les hommes en état de mort spirituelle, spirituellement aveuglés et abusés par le dragon. Peut-être que la mention des trois animaux se réfère à trois antipapes (Luciani n'étant pas compté).

La bête est une chimère parce qu'elle imite la parole du Christ et celle de Son vicaire (donc elle a la gueule du lion), et elle « ressemble à un léopard » car sa principale caractéristique est la ruse ; il y a là une référence au châtiment de Jérusalem (punie pour ses péchés), avec la destruction du Temple par Nabuchodonosor : « Parcourez les rues de Jérusalem et regardez, informez-vous ; cherchez sur ses places publiques si vous y trouvez un homme, s'il en est un qui pratique la justice, et qui recherche la fidélité, et je ferai grâce à la ville(...). C'est pourquoi le lion de la forêt les a frappés, le loup du désert les ravage ; la panthère est aux aguets devant leurs villes, tout homme qui en sort est déchiré ; car leurs transgressions sont nombreuses, et leurs révoltes se sont accrues » (Jérémie V. 1-6).

Le dragon « lui donna sa puissance, son trône et une grande autorité » : cela signifie que l'antipape a été élu grâce aux intrigues des agents diaboliques des sociétés secrètes. Les sept têtes du dragon « luttent contre les sept sacrements », comme l'ont révélé les exorcismes suisses. Quant au verset 4, à propos de la guérison de la « plaie mortelle », c'est le chapitre XVII qui permet d'en comprendre la signification : la Prostituée est « assise sur la ville aux sept collines » (XVII. 9), à savoir la ville de Rome. La bête de la mer, dont il est ici question, désigne donc la Rome païenne ressuscitée ; mais il ne s'agit pas en premier lieu d'un empire politique, comme le croient à tort les Pères Kramer et Berry : il s'agit de la contre-Église des derniers temps, de l'antipapauté-antéchristique, établie à Rome. La Prostituée est assise sur la bête, car la contre-Église qu'est la bête de la mer est assise sur la ville de Rome.

La référence à Jérémie, que nous avons évoquée plus haut, signifie que Dieu a livré son peuple infidèle à un antipape, en châtiment de ses péchés. Sa punition ne sera pas la mort physique, mais la mort spirituelle et l'impénitence finale, causées par son aveuglement, son manque de foi et son absence de coopération à la grâce ; de même, Rome, à l'image de Jérusalem, sera conquise par l'ennemi (l'antipape au service de la Loge, dont Nabuchodonosor est la figure), et son Temple (le Vatican) sera détruit spirituellement (avant de l'être matériellement). La bête de la mer a la gueule du lion, c'est-à-dire que sa parole imite celle du Christ et de son vicaire, mais elle ressemble à un léopard, qui est un symbole de ruse, comme la panthère dont parle le prophète Jérémie, qui « se tient aux aguets devant leurs villes » [des juifs] afin de les dévorer. La fausse Église ou bête de la mer a les pattes de l'ours, qui symbolise la puissance et la férocité. La nouvelle Rome païenne est donc à la fois rusée et puissante.

Ces images servent à nous indiquer que la bête de la mer, qui a la gueule du lion et donc qui feint de proclamer la parole de Dieu, n'est dans ses œuvres qu'un léopard et un ours1, c'est-à-dire un ennemi du peuple saint que sont les vrais catholiques, de même que la panthère qui se tenait prête à dévorer les juifs dans Jérémie. Les bêtes citées par l'apôtre St. Jean se réfèrent précisément aux bêtes de la prophétie de Daniel, qui figurent les ennemis du peuple juif : « Cette bête a comme le dragon sept têtes et dix cornes. Cela rappelle la bête sauvage que Daniel vit sortir de la mer (VII. 7), et qui n'avait cependant pas sept têtes, mais dix cornes. C'était la quatrième bête de la vision de Daniel. Les trois premières étaient un lion ailé, un ours et une panthère, représentant les Babyloniens, les Médo-Perses et les empires grecs(...). La quatrième bête est évidemment l'Empire romain » (Kramer, p. 302).

Le fait que la quatrième bête soit l'Empire romain paraît évident, car en Daniel le royaume de cette bête est le plus puissant et domine sur toute la terre, et surtout il est décrit comme ayant été reconquis par les saints : ce qui signifie que les catholiques ont conquis (pacifiquement) l'Empire romain païen. Ainsi lit-on : « Je regardais, et voici que cette corne faisait la guerre aux saints, et prévalait contre eux, jusqu'à ce que l'Ancien des jours [Dieu] fût venu et qu'il eût donné aux saints du Très-Haut la puissance de juger ; et le temps arriva, et les saints obtinrent le royaume » (Daniel VII. 21-22). Les traducteurs de la Bible de Tours décrivent également la quatrième bête comme symbolisant l'Empire romain. L'abbé Glaire, dans sa traduction française de la Vulgate, considère lui aussi qu'il s'agit de l'Empire romain, et qualifie d'invraisemblable l'opinion contraire selon laquelle il s'agirait de l'Empire grec.

La quatrième bête représente donc la Rome païenne qui a d'abord « prévalu contre les saints » (Daniel VII. 21), puis qui a été vaincue par eux avec les édits de Constantin (en 313) et de Théodose (en 380), l'un proclamant la tolérance religieuse, le second proclamant la religion chrétienne comme religion officielle de l'Empire. Cependant, dans l'Apocalypse, la bête ressurgit, symbolisée par l'image d'une nouvelle Rome païenne ; et comme nous allons le voir, il est dit d'elle qu'« il lui fut donné de faire la guerre aux saints et de les vaincre », en écho à la prophétie de Daniel : « et voici que cette corne faisait la guerre aux saints, et prévalait contre eux ». La bête de la mer, figurée par une chimère composée de trois animaux différents, est donc un nouvel ennemi du peuple chrétien, symbolisé par les ennemis du peuple juif.

Il faut ajouter des considérations intéressantes relatives à l'ours dans l'image de la bête de la mer. Sur wikipedia, l'article dédié à « l'ours dans la culture » explique en détail que cet animal est caractéristique du paganisme germanique. Les païens se déguisaient en ours ou buvaient son sang, célébraient cette idole et simulaient parfois des rapts, ou commettaient d'autres abominations de ce genre. Au VIIIème siècle, sous St. Boniface, le culte de l'ours a été qualifié de « frénétique ». Jacob Grimm, lettré et folkloriste célèbre, parle de « l'animal totémique par excellence » chez les peuples germains.2

Wikipedia dit : « Les traditions liées à l'ours ont perduré jusqu'aux environs de l'an mille, période à laquelle l'ensemble des peuples qui pratiquaient le paganisme nordique furent christianisés(...). Michel Pastoureau défend une thèse selon laquelle l'ours fut considéré comme le roi des animaux partout en Europe jusqu'au XIIe siècle, notamment chez les Celtes, Germains, Slaves, Scandinaves et Baltes, avant sa diabolisation par les autorités chrétiennes qui installèrent le lion sur le trône animal à sa place, dans le but de lutter contre les pratiques païennes associées à l'ours, mais aussi pour effacer un animal qui « se posait en rival du Christ » ».3 Le lion étant dans l'Apocalypse le symbole du Pape, le « rival » de ce vrai Christ qu'est le Pape légitime n'est donc autre qu'un antipape, représenté par l'ours. La bête de la mer a la ressemblance de la papauté (la gueule du lion), mais ses œuvres sont celles d'un antipape (l'ours), qui disperse le troupeau et donne la mort aux brebis. Michel Pastoureau explique encore que de nombreux théologiens, à la suite de St. Augustin et de Pline l'Ancien, ont fait de l'ours le symbole du diable par excellence, avec le bouc.

Le fait que la figure précise de l'ours ait été employée lors de la description de la bête de la mer, et en même temps le fait qu'elle se réfère à une idole vénérée chez les peuples germains et slaves (et les peuples barbares de l'Est de façon générale), n'est certainement pas sans lien avec les origines du polonais Wojtyla, qui est l'antipape le plus caractéristique (et le plus funeste) de la contre-Église : d'autant plus que comme l'a expliqué Éric Faure dans Le Pape Martyr de la fin des temps, à l'époque des Romains, la Germanie désignait une contrée plus vaste que dans le sens moderne du terme ; or les oracles médiévaux désignent l'antipape de la fin des temps comme « germain »

1 Car les pattes de l'ours sont l'équivalent de nos mains et représentent donc ses œuvres, contrairement à la gueule du lion qui représente l'apparence et la parole.

2 Jacob Grimm, Deutsche mythology, t. 2, Güthersloh,‎ 1876, 4e éd., p. 556—558.

3 Michel Pastoureau, L'Ours : Histoire d'un roi déchu, Le Seuil,‎ 2007.

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