L'article de l'abbé Belmont a donné lieu à une controverse avec un certain "Nicolas", qui est guérardien. Dans mon ouvrage dogmatique ("La survie de Paul VI : une certitude de foi"), le guérardisme constitue l'un des thèmes les plus importants : je réfute cette thèse en détail, tout au long du livre.
Résumons ici les raisons démontrant le caractère hérétique de la Thèse de Cassiciacum :
-L'élection du pape est infaillible et constitue un fait dogmatique, car sans élection certaine, il n'y a pas de règle de foi certaine. L'infaillibilité de l'élection du pape est donc corrélative à l'infaillibilité pontificale ; elle est enseignée par le Concile de Constance.
Or, l'abbé Ricossa a nié explicitement l'infaillibilité de l'élection du pape, à plusieurs reprises. La Thèse de Cassiciacum la nie également, car elle rend l'élection incertaine en affirmant qu'un conclave valide peut aboutir à l'élection d'un antipape, ce qui n'est jamais arrivé dans l'histoire de l'Église et est condamné par le Concile de Constance. Une telle affirmation est donc condamnée à la fois par l'événement et par la doctrine catholique.
-Lorsqu'un pape est accepté par l'Église universelle, ce pape est légitime avec certitude, et donc il est impossible qu'un obstacle ait empêché son élection.
Or, l'abbé Ricossa rejette cet enseignement unanime des théologiens, en prétextant que la Bulle de Paul IV la contredit ; mais la Bulle de Paul IV ne parle pas de l'acceptation pacifique, elle dit seulement qu'il est possible que tous les cardinaux (et non pas toute l'Église) reconnaissent un faux pape. C'est ce qui a failli se produire sous le Grand Schisme d'Occident : 13 cardinaux sur 16 ont fait schisme et élu un antipape.
Objection de Nicolas : Dans ce cas, il est toujours possible que Paul VI soit devenu hérétique par la suite.
Contre-objection : L'idée du pape hérétique a été rejetée lors des travaux préparatoires du concile Vatican I. St. Robert Bellarmin et la plupart des théologiens qui l'ont évoquée l'ont fait à titre de simple hypothèse spéculative ; Bellarmin la croyait impossible et était d'accord avec Albert Pighius. Mgr Lefebvre lui-même disait que cette idée menait à des discussions interminables ; en vérité on peut même dire qu'elle réduit à néant l'infaillibilité pontificale. Albert Pighius a très bien démontré son impossibilité.
Contre-objection n°2 : L'idée du "pape hérétique" concerne l'hypothèse d'un pape qui enseigne l'hérésie à titre de docteur privé ; or vous accusez Paul VI d'avoir enseigné l'hérésie à titre de docteur public.
Contre-objection n°3 : Si Paul VI était devenu hérétique, il n'y aurait plus rien pour sauvegarder l'indéfectibilité du clergé romain, et la succession apostolique : c'est la troisième raison de l'impossibilité de la thèse de Cassiciacum.
-L'Église enseignante ne peut pas disparaître ou ne plus exister que comme potentialité : elle est une et hiérarchique, et l'Ecclesia discens ne peut pas être séparée de l'Ecclesia docens (autrement l'Église serait acéphale). L'Église hiérarchique existera jusqu'à la fin : la juridiction ordinaire ne peut pas disparaître.
-Si l'élection du pape était subordonnée à une hypothétique "intention objective de faire le bien de l'Église", chacun se ferait juge de l'orthodoxie du pape. La juridiction elle-même ne se transmettrait plus d'une manière sûre, comme la sucession apostolique l'exige.
-La succession seulement matérielle est nécessairement illégitime : Mgr Sanborn lui-même se contredit dans son ouvrage sur la question, en disant qu'il n'y a de succession légitime que formelle. L'abbé Paladino a relevé avec raison que tous les théologiens cités par Mgr Sanborn enseignaient que la succession matérielle seule était illégitime, même si tous ne le disent pas explicitement.
Cette dernière considération nous amène à la question de Vatican II : Nicolas affirme que Paul VI a enseigné une erreur avec les conditions apparentes de l'infaillibilité, ce qui prouverait qu'il n'était pas pape et que de ce fait, l'infaillibilité n'était pas réelle. Or :
-Même en l'absence de pape, le collège épiscopal est collectivement immunisé contre l'hérésie : les évêques ne peuvent enseigner une hérésie comme étant de foi. Ceci vaut quelle que soit l'imputabilité. Cela n'exclut pas toute erreur, mais cela exclut l'hérésie.
Corrélativement, Vatican II ne peut contenir d'hérésies. D'ailleurs, dans le cas de la déclaration sur la liberté religieuse, la liberté religieuse est subordonnée à l'ordre public ; or les fausses religions contredisent toutes l'ordre public ; donc la déclaration permet aisément de justifier la répression des faux cultes. Quant au document sur la collégialité, dans la version latine, nulle part il n'est écrit "collégialité" (collegialitas) ; c'est une falsification des traductions vernaculaires.
NB : Les guérardiens considèrent que la liberté religieuse est une simple erreur, tandis que les sédévacantistes complets français affirment souvent qu'il s'agit d'une hérésie. Dans mon ouvrage, j'ai commis une erreur quant à la distinction entre erreur et hérésie, que je vais corriger ; mais cela ne change rien à l'essentiel de mes conclusions et de ma démonstration, et en particulier au fait que dans une perspective guérardienne ou sédévacantise, d'une manière ou d'une autre on affirme que l'Église enseignante a plus ou moins disparu. Nicolas avoue d'ailleurs qu'il est impossible qu'elle n'existe plus que comme potentialité, contrairement à Mgr G. des L. et l'abbé Ricossa.
-Il est interdit d'examiner la conformité de Vatican II au magistère antérieur pour en tirer des conclusions sur la légitimité du pape : c'est du libre examen protestant. Nicolas nie que ce soit le cas ; mais il peut nier autant qu'il le veut, c'en est : il s'agit d'un jugement privé sur le magistère, sans autorité.
-Vatican II ne contient aucune détermination irrévocable d'un point de doctrine : les documents sur la collégialité, la liberté religieuse et les rapports avec les "autres religions" sont de simples déclarations politiques.
-Le magistère seulement "authentique", c'est-à-dire non-couvert par l'infaillibilité, peut contenir des erreurs ou des ambiguïtés : c'est théologiquement possible quoique très improbable. Or, c'est ce qui s'est passé au concile Vatican II, car l'Église devait être revêtue du péché, comme Notre-Seigneur au jardin des Oliviers. Elle ne l'a pas été comme Vincent Morlier l'explique (ce serait contraire à la Constitution divine de l'Église), mais elle l'a tout de même été : la fronde des évêques a donné lieu à des textes erronés ou ambigus.
Quand un document du magistère authentique contient des erreurs, les théologiens admettent que les fidèles puissent réserver leur assentiment : j'ai cité dans mon ouvrage un théologien qui en a parlé.
-Il faut distinguer la forme de l'acte et son contenu, ce que ne font pas les sédévacantistes : ce n'est pas parce qu'un enseignement est inclus dans un acte du magistère ordinaire ou extraordinaire qu'il est infaillible ; les encycliques par exemplement peuvent contenir plusieurs enseignements infaillibles, ou n'en pas contenir du tout. Les prêtres sédévacantistes n'expliquent jamais ce point important à leurs fidèles, qui ont une vision simpliste et ne comprennent rien à l'infaillibilité pontificale.
Il faut savoir que la thèse de Mgr Guérard des Lauriers est née comme canot de sauvetage du sédévacantisme : Mgr G. des L. savait qu'il était impossible que toute l'Église fasse défection, que nous soyons confrontés à "l'Église hérétique". Autrement dit, la hiérarchie catholique doit demeurer. Donc le prélat a inventé la thèse de la succession matérielle, qui ne règle rien, parce que l'indéfectibilité de l'Église hiérarchique vaut par elle-même, indépendamment de la question de la succession apostolique ; par ailleurs la thèse de Mgr G. des L. n'offre pas de solution valable sur ce dernier point non plus : il est impossible qu'un pape sombre dans l'hérésie et récupère l'autorité par la suite (cela n'est jamais arrivé et n'arrivera jamais).
Mgr Sanborn va jusqu'à écrire dans son ouvrage que si un seul cardinal moderniste se convertissait, il pourrait publier des monitions canoniques contre Bergoglio et élire un nouveau pape. En réalité, les guérardiens se retrouveraient avec un nouvel antipape sur le dos, comme les conclavistes. On voit où mènent leurs thèses...
La réalité est que le sédévacantisme en général est une tautologie. Lorsque le pape meurt, il existe une nécessité vitale à élire le prochain pontife, et l'Église manifeste qu'elle y travaille ; or cela n'est pas le cas actuellement, depuis plusieurs dizaines d'années ; donc nous avons un pape ; et ce pape, c'est le dernier accepté par l'Église universelle : S.S. PAUL VI.
La survie de Paul VI : une certitude de foi
Ce n'est pas de prêtres imbus de fausse science que nous avons besoin, mais de prêtres humbles et éclairés par la grâce. Il ne manque pas de théologiens ; ce qui manque, ce sont les saints :
Sur cette photographie, le Père René de Jésus en extase après la Sainte Communion, une quinzaine d'années après Vatican II. Prêtre aveugle, il avait le don de lecture dans les consciences, et celui de bilocation. Il est mort en odeur de sainteté.
Voilà les prêtres dont nous avons besoin !