Vous vous souvenez certainement de mes articles à propos de la controverse qui a eu lieu sur le blog de l'abbé Belmont, quicumque. Un certain Nicolas a formulé plusieurs erreurs et hérésies dans ses objections relatives à la survie du Saint-Père, qui témoignaient pour la plupart d'une grande mauvaise foi, car l'auteur, tout en étant instruit, déformait totalement l'enseignement de l'ecclésiologie et de la théologie dogmatique, en particulier sur la question de l'acceptation pacifique, où son argumentation relevait de l'aberration pure et simple : c'est le problème majeur des guérardiens, car au nom de la théologie dite "spéculative", ils déforment complètement l'enseignement de la théologie positive.
Quant à l'infaillibilité pontificale, son erreur était moins criante, mais réelle ; et elle se situait dans la droite ligne de celle des sédévacantistes et même de certains ralliés, dont les idées fausses peuvent se résumer en deux points :
-soit ils ne font même pas la distinction entre la forme juridique de l'acte et son contenu, parlant comme si l'intégralité du magistère était couverte par l'infaillibilité ;
-soit ils ne comprennent pas que le lien affirmé entre la révélation et l'enseignement proposé n'est pas une condition de l'infailliblité, mais un critère : ce qui n'est pas du tout la même chose.
On ne s'improvise pas juriste : il ne faut pas oublier que les prêtres ne font pas partie de l'Église enseignante et n'ont - souvent - pas les connaissances requises pour aborder ces questions. Au demeurant, même certains évêques n'ont pas le niveau, car Mgr Lefebvre lui-même, toute révérence gardée pour sa sainteté et ses mérites personnels (nous lui devons beaucoup), enseignait n'importe quoi sur la question de l'obéissance au pape : les exorcismes en ont parlé et ont dit la même chose (sur ce point) que les sédévacantistes. Un jour un prêtre survivantiste m'a dit que les prêtres étaient les collaborateurs de l'Église enseignante. Pour ma part ce n'est pas ce que j'ai lu. En tout cas le cardinal Gousset est clair et net : les prêtres n'enseignent pas à proprement parler. Vous allez me dire : "vous c'est pire, vous n'êtes même pas prêtre". En effet : mais si les prêtres ne faisaient pas de telles erreurs, je n'aurais pas besoin d'en parler. Un laïc a le droit de prendre la plume (aujourd'hui le stylo ou le clavier !) pour la défense de la foi : certains laïcs ont écrit de meilleurs livres religieux que tel ou tel prêtre, même des catéchismes. D'ailleurs les prêtres n'ont pas toujours le temps, à cause de leur ministère.
Le Père de Blignières dit que lorsque le magistère établit un lien (direct ou indirect) entre l'enseignement considéré et la révélation, cet enseignement est infaillible. Ce n'est pas vrai... L'évocation de la révélation est simplement l'un des critères entrant en compte pour discerner si la condition liée à la détermination irrévocable d'un point de doctrine est satisfaite. La nuance est de taille ! En droit on est très précis, c'est l'avantage que j'ai en tant que juriste, sur des prêtres qui eux, n'ont pas étudié le droit de manière approfondie. Souvent nos professeurs nous reprenaient à la faculté, en nous disant que nos commentaires d'arrêt (les décisions de justice) n'étaient pas précis, que nous n'avions pas bien compris,etc. Et bien des fois, nous ne voyions même pas ce qu'ils voulaient dire... On ne s'improvise pas juriste, ça prend de longues années. Et ce qu'on nous enseignait était autrement plus subtile que ces questions d'ecclésiologie dont je parle ici... Si j'avais fait à la faculté les mêmes erreurs de droit que les prêtres sédévacantistes ou lefebvristes, dominicains d'Avrillé,etc., j'aurais eu moins de 4/20. Je l'ai déjà dit mais je ne le répéterai jamais assez...
Ce que dit le Père de Blignières est injustifié. Jean XXIII et Paul VI ont toujours été très clairs pour dire que Vatican II ne déterminerait pas de doctrine irrévocable, et lorsque Paul VI a employé le terme de "magistère authentique", il a employé la terminologie la plus répandue pour désigner le magistère non-infaillible. Toute autre interprétation est illogique. De surcroît, j'ai déjà expliqué que la liberté religieuse condamnée par Mirari Vos et Quanta Cura n'est pas de la même teneur que celle de Vatican II, qui évoque comme exception à l'immunité de contrainte "l'ordre public", notion bien plus large que la "tranquillité publique" évoquée par Mirari Vos et Quanta Cura. Nicolas, qui ne sait pas la différence entre les deux (justement parce qu'il n'a pas fait de droit), ne le comprend pas. L'ordre public inclut l'ordre moral, ce qui n'est pas le cas de la tranquillité publique. Au demeurant, personne n'a le droit d'évaluer la conformité du magistère du pape régnant vis-à-vis du magistère antérieur et d'établir des conclusions personnelles sur la légitimtié du pape considéré ; je viens de montrer clairement quelle témérité il y a à adopter une telle attitude : on a vite fait de se tromper (même quand le cas semble évident). Seule une hérésie manifeste, à savoir une négation claire et univoque d'une vérité du Credo, autoriserait à faire cela. Mais nous savons qu'un pape accepté par toute l'Église est infailliblement légitime et qu'il ne peut sombrer dans l'hérésie (même à titre de docteur privé), j'en ai déjà parlé.
En résumé non, la formulation très vague de Dignitatis Humanae ne permet absolument pas de dire que l'enseignement a été déclaré irrévocable, d'autant plus que Paul VI a déclaré le contraire. Les meilleurs écrits sur l'infaillibilité, par exemple ceux du Père Paul Bottolla, disent bien que le critère majeur de l'infaillibilité est l'intention du Pape, n'en déplaise aux sédévacantistes de mauvaise foi qui qualifient cet enseignement (général !) de "volontariste", simplement pour tenter de faire correspondre leurs propres théories à la réalité ! Soit dit en passant, contrairement à ce que prétend l'abbé Laffitte (qui exagère lui aussi l'infaillibilité pontificale), il n'y a rien d'évident à ce qu'un simple discours oral du Pape puisse être infaillible, surtout s'il n'a pas été dûment préparé et examiné à l'avance (dans les premiers temps de l'Église c'était le clergé romain ou des synodes - par exemple - qui l'examinaient). Le discours oral n'est absolument pas un canal privilégié de l'infaillibilité pontificale (euphémisme) !
Toutefois, l'une des objections de Nicolas est un peu plus sérieuse que les autres : le fait que tout le clergé romain reconnaisse un faux pape ne contredit pas (selon lui) l'indéfectibilité de l'Église locale de Rome. Premièrement c'est très contestable : les théologiens enseignent qu'il est impossible que l'Église universelle reconnaisse pacifiquement un faux chef, car la tête de l'Église serait séparée du corps (et donc l'Église ne serait plus une) ; or, si cela vaut pour l'Église universelle, on peut penser que cela vaut également pour l'Église locale de Rome, qui est elle aussi indéfectible. Le Pape Paul IV a envisagé le cas où tous les cardinaux feraient schisme, mais le clergé romain ne se réduit pas tout-à-fait aux cardinaux. Cependant je ne discuterai pas cette question, qui n'est à ma connaissance pas tranchée par les théologiens. Deuxièmement (là on entre sur un terrain sûr), dans le cas qui nous occupe, le guérardisme et le sédévacantisme complet ne permettent pas de sauvegarder l'indéfectibilité du clergé romain, pour une raison qui tient à la transmission de la juridiction...
Si vous souhaitez connaître en détail la contradiction du guérardisme avec la doctrine catholique relative à la succession apostolique et à la transmission de la juridiction, référez-vous à mon ouvrage. Ici, je ne vais pas traiter cette question en profondeur. Simplement, il faut savoir que la hiérarchie épiscopale (donc l'Église enseignante, qui doit toujours exister conformément à l'encyclique contre les Vieux Catholiques, notamment), tient sa juridiction du pape régnant ; et lorsque ce pape meurt les évêques conservent leur judicition ordinaire. Mais les évêques ne sont jamais nommés en temps de vacance, sauf lors d'une crise grave (vacance prolongée) : car lorsqu'ils le sont (par exception), ils ne bénéficient pas de la juridiction ordinaire (ça vaut pour les cardinaux également), et ne peuvent la transmettre aux prêtres qu'ils ordonnent ; or, le Pape ne peut être élu que par des personnes titulaires d'une juridiction ordinaire QUELLE QUE SOIT LA SITUATION DE L'ÉGLISE. Comme on nous le disait en droit : "Nemo dat quod non habet" ("nul ne transmet ce qu'il n'a reçu) ; DONC, QUELLE QUE SOIT LA SITUATION (mettez-vous le bien dans le crâne), seuls peuvent élire le Pape ceux qui possèdent la juridiction : les autres sont comme privés de ce pouvoir sacré. NULLE NOUVELLE MISSION NE PEUT NAÎTRE : la flamme se transmet selon la pure et stricte légalité dans l'Église institutionnelle (et non charismatique) établie par le Christ dans son premier chef (l'apôtre Pierre). La succession apostolique, rappelons-le, est comme un feu qui s'est allumé une fois (lorsque Pierre a reçu les clés), et qui si on l'éteignait, ne pourrait être rallumé. L'Église n'est pas la Synagogue : elle est éternelle et se conservera jusqu'à la fin des temps dans ses caractères inviolables. J'ai déjà parlé des erreurs des sédévacantistes complets tels que Louis-Hubert Rémy, et même de certains fidèles lefebvristes, qui croient que toute la hiérarchie de l'Église peut disparaître parce que nous vivons des heures exceptionnelles. C'est faux et archi-faux, il s'agit d'une hérésie. L'Église est le Corps Mystique du Christ : elle est inviolable et se préservera dans son unité jusqu'à la fin, avec son corps et sa tête : car elle est une, c'est l'une des vérités du Credo. Au fond toutes les erreurs et hérésies des traditionalistes se résument en une seule : selon les sédévacantistes et les lefebvristes, il n'existe plus de hiérarchie catholique effective, actuelle. Contrairement à ce que prétendent les guérardiens, c'est impossible. De même, il est impossible que le prochain pape soit désigné par voie charismatique, sans élection légale : ce serait une nouvelle Église. La succession apostolique est LÉGALE et CERTAINE. Mais terminons avec cette digression et poursuivons notre raisonnement : toujours, il demeure des évêques titulaires d'une juridiction ordinaire, et d'un clergé romain, seul habilité à élire le Pape. J'ai déjà évoqué cette question, et mon ouvrage prouve que Pie IV (notamment) a dénoncé en plein concile l'idée de l'élection par un concile universel. D'où l'indéfectibilité de l'Église locale de Rome.
S'il est possible qu'une vacance se prolonge au point que des évêques soient sacrés en l'absence d'un pape régnant (par nécessité), en revanche il est impossible que presque tous les membres du clergé romain (on parle d'unanimité "morale", et non pas absolue) ne possèdent plus de juridiction ordinaire transmise par la hiérarchie soumise au dernier pape légitime en vie. Or, dans le cadre de la position guérardienne comme de la position sédévacantiste, on se trouve face à un tel scénario. Le guérardisme contredit la sécurité de la succession apostolique, car il rend la légitimité du pape tributaire de son intention personnelle, appelée de manière alambiquée "l'intention objective de faire le bien de l'Église", que chacun examine suivant le magistère antérieur (en somme, une variante du libre examen protestant) ; or, répétons-le, un pape accepté pacifiquement par toute l'Église est légitime avec certitude. J'ai déjà réfuté (allègrement) l'argument de la Bulle de Paul IV, qui ne parle pas de l'acceptation universelle mais seulement des cardinaux schismatiques. Si l'élection du Pape n'était pas certaine (de l'ordre du "fait dogmatique", de la certitude de foi), l'identité du sujet titulaire de l'infaillibilité pontificale ne serait pas certaine non plus : donc il n'y aurait plus d'infaillibilité pontificale, ni de certitude dans la succession apostolique et dans la transmission de la juridiction. On voit le degré d'erreur (et même d'hérésie, car il s'agit là d'une vérité du Credo), où a pu tomber Mgr Guérard des Lauriers, ancien professeur à l'Angelicum. Et ce sont ses disciples qui nous chassent de leurs chapelles privées en nous disant que "nous ne sommes pas catholiques", avec beaucoup de morgue et bien peu de ménagement ! Mais comme le dit l'Évangile selon Saint Jean : "la lumière a brillé dans les ténèbres".
Les prêtres survivantistes, au lieu de se fonder sur la théologie dogmatique pour convaincre leurs fidèles que Paul VI est toujours vivant (et qu'il va revenir), se fondent uniquement sur des révélations privées (j'en connais même un - breton - qui n'est pas d'accord avec moi quant à la certitude de foi de la survie de Paul VI), jusqu'à "gaver" leurs fidèles comme des oies avec des citations de la Vierge dans leurs sermons. C'est de l'apparitionisme, et donc du modernisme. Les apparitions sont importantes mais il ne faut ni en faire une règle de foi ou une parole d'évangile, ni en faire la nourriture spirituelle des fidèles. Je connais un prêtre dont les fidèles, pour certains (pas tous, heureusement), vont voir des faux voyants (Vassula, Medjugorgje) ; et plusieurs autres ont une conception dévoyée de la spiritualité, excentrique. Que ces prêtres ne s'étonnent pas si certains de leurs fidèles vont voir de faux voyants ou dévient dans une spiritualité en partie charismatique et excentrique, fondée sur la sensibilité : c'est en partie de leur faute. Qu'ils ne s'étonnent pas non plus si certains de leurs fidèles doutent de la survie du Saint-Père, ou n'y croient plus. Pour ma part, je crois infailliblement en la survie du Pape Paul VI, et je fais acte de foi qu'il est vivant et réapparaîtra pour nommer publiquement des cardinaux et préserver la succession apostolique. Ma foi n'est pas fondée sur du sable, mais sur le roc. Elle n'est pas fondée sur les apparitions excentriques de Mère Conchita qui disait que le Christ reviendrait une fois avant le Jugement Dernier pour célébrer la Messe tridentine !
Aucun saint n'a passé son temps à lire des révélations privées : ce n'est pas la nourriture spirituelle principale d'un catholique. On peut lire régulièrement Anne-Catherine Emmerick (par exemple), mais pour méditer les mystères de la foi, par pour connaître des détails qui ne font qu'alimenter la curiosité et l'amour des choses sensibles.
Mes amis :
SI PAUL VI NE REVENAIT PAS, LA FOI CATHOLIQUE SERAIT FAUSSE !
IL EST IMPOSSIBLE QU'IL NE REVIENNE PAS !
La survie de Paul VI : une certitude de foi (10ème édition)
Édition revue et augmentée. Ouvrage démontrant que la succession apostolique exige aujourd'hui l'existence d'un pape en exil. www.lasurviedupapepaulvi.com