Quand il s'agit de sauvegarder leur "dû conjugal", si je puis m'exprimer ainsi, certains hommes montent au créneau. En vérité on a plus d'ardeur à justifier ses vices qu'à réformer sa vie...
Parce que je citais le Lévitique, on m'a traité de "judaïsant" ; et un autre membre du forum a cité sottement et pharisaïquement le concile de Florence, enseignant que la loi ancienne était abrogée et que c'était péché mortel de dire le contraire. En vérité, un tel paralogisme donne des frissons : car je n'ai jamais affirmé que la loi ancienne était toujours en vigueur, mais simplement que le Lévitique évoquait des péchés commis par les Cananéens et autres peuples païens de cette époque, parmi lesquels l'inceste, la bestialité (c'est-à-dire le fait de coucher avec des animaux), d'autres péchés très graves, et parmi les derniers péchés de la liste... la sexualité durant les menstruations ! Dieu dit qu'il a vomi ces peuples devant Lui, parce qu'ils ont commis ces péchés. Or, l'Ancien Testament est la Parole de Dieu au même titre que le Nouveau Testament : et les péchés mentionnés sont des violations de l'ordre naturel, donc ils valent à toute époque et en toutes circonstances. La seule différence avec notre époque à nous est que ce péché (la sexualité durant les menstruations) constituait sous l'Ancienne Alliance un crime faisant encourir la peine de mort, en vertu d'une loi positive. Autrement dit, c'était péché mortel en vertu de la loi positive. Mais c'était également un péché - au moins véniel - en vertu de la loi naturelle, car Dieu avait cité ce péché parmi ceux qui avaient suscité Son courroux contre les peuples païens ; or ces derniers n'étaient pas régis par la loi positive (mais par la seule loi naturelle) car ils n'étaient pas membres du peuple de Yahvé ! Donc il est faux de dire que depuis l'abrogation de la loi ancienne, il n'y a plus aucun péché à faire usage de l'acte conjugal durant les menstruations. Comme je l'ai déjà dit, c'est d'ailleurs très dangereux.
On voit que mes adversaires n'ont aucune logique : d'une part ils parlent comme si l'Ancien Testament n'était pas la parole de Dieu (j'ai déjà évoqué cette hérésie), d'autre part ils ne font pas la différence entre la loi naturelle et la loi positive. D'ailleurs, leurs objections consistent souvent à dire : "citez-moi une seule encyclique, un seul acte pontifical enseignant que la sexualité durant les périodes infécondes est un péché" ; or la loi naturelle et le témoignage des Pères suffisent. Pire, ces gens se prévalent de l'encyclique Casti connubii pour justifier la licence de leurs moeurs...
Mais quel est l'état de la question ?
Premièrement, la loi naturelle elle-même nous enseigne que la sexualité n'est utile qu'en vue de la procréation ; cette loi suffit à nous faire comprendre que la sexualité est souverainement nuisible au bien de l'âme, intrinsèquement mauvaise, et que, comme l'ont dit les Pères, elle doit toujours être "excusée" ; donc elle ne peut l'être intégralement que lorsque sa fin est remplie : la procréation. Si la fin est le seul apaisement de la concupiscence (de la part de l'époux qui fait la demande), alors l'excuse n'est que partielle. St. Thomas d'Aquin est très clair, et les Pères disent la même chose que lui, ainsi que beaucoup de médiévaux.
Deuxièmement, les papes qui ont bien voulu évoquer cette question se sont interdits d'entrer dans les détails, par une fausse pudeur et une fausse conception de la dignité de leur charge, qui est d'enseigner les hommes pour les conduire à Dieu : c'est pourquoi l'encyclique Casti connubii a donné lieu à des débats interminables entre prêtres ayant charge d'âmes (ou non) ; et les catholiques traditionalistes blâment à juste titre Vatican II, mais cette encyclique est d'une imprécision presque aussi blâmable que le dernier concile : seulement, cela n'intéresse pas les catholiques car ils préfèrent blâmer la liberté religieuse (qui ne les affecte pas dans leur vie intime), plutôt qu'une encyclique dont l'imprécision et l'excessive pudeur leur fournit de fausses justifications à leur mauvais plaisirs (non pas qu'ils aient raison de se justifier ainsi sur cette encyclique ; mais elle aurait dû aller droit au but, sans prêter le flanc à des interprétations tronquées).
Troisièmement, les Pères des premiers siècles furent nombreux à réprouver la sexualité durant les périodes infécondes, et notamment durant la grossesse. Il faut ajouter que selon les médiévistes, les pénitentiels du Moyen-Âge ont souvent interdit la sexualité durant la grossesse et les menstruations, et même durant l'allaitement ; mais une évolution a eu lieu, qui a donné cours à plus de licence, et certains pénitentiels sont devenus plus "tolérants" que d'autres à partir du XIIIème et du XIVème siècle (autrement dit, juste avant la décadence de ces temps). Malgré tout, plusieurs continuaient d'interdire la sexualité durant la grossesse, notamment en Irlande, cette sainte nation chrétienne. Par la suite les moralistes sont devenus de plus en plus laxistes. Mais les Pères, St. Thomas d'Aquin et les moralistes les plus fiables, enseignent que la sexualité durant les périodes infécondes est toujours, de la part de l'époux qui en fait la demande, au minimum un péché véniel (tandis qu'il s'agit d'un devoir de la part de celui qui accède à la demande, afin de préserver son conjoint d'un péché plus grave). Les médiévaux ont souvent pensé que les enfants lépreux naissaient des rapports conjugaux durant les fêtes (c'était proscrit), ou durant les menstruations; et cependant les moralistes ont permis ce genre de rapports, enseignant qu'il était moins grave de mettre au monde un enfant lépreux que de commettre un péché mortel (en ce sens que l'acte conjugal pouvait préserver l'époux fautif d'un péché plus grand). En soi c'est vrai, mais vous me concéderez qu'il y a plus charitable que de mettre au monde un lépreux ou un enfant malformé par sa propre faute (euphémisme)...
Les pénitentiels les plus intègres interdisaient la sexualité durant la grossesse, les menstruations et l'allaitement (ainsi qu'après la ménopause) ; mais également lors des périodes proscrites : le Carême et deux autres périodes de quarante jours, les fêtes, les dimanches, les quatre-temps, et les trois jours précédant la Communion. On est loin de la dépravation d'aujourd'hui...
J'ai vu un médiéviste affirmer que l'enseignement des Pères de l'Église selon lequel il fallait s'abstenir de l'acte conjugal durant les périodes infertiles venait non pas de l'Ancien Testament, mais des philosophes grecs et d'autres philosophes anciens. Ce médiéviste a tort concernant l'Ancien Testament, qui est très clair pour réprouver la sexualité durant les périodes infertiles ; mais il a probablement raison concernant les philosophes grecs, qui avaient une grande connaissance de la loi naturelle, malgré plusieurs erreurs. Selon lui, donc, ces philosophes enseignaient que la sexualité ne devait servir que la procréation, et qu'elle était "inutile" lorsqu'elle ne servait pas cette fin. Ainsi, des païens avaient une conception plus pure du mariage que beaucoup de catholiques même "traditionalistes" aujourd'hui !
Quelques citations des Pères :
Athénagoras l'Athénien (175 A.D.) :
"Une fois la graine jetée en terre, le fermier attend la récolte. Il ne sème pas de nouveau du grain par dessus. De même, la procréation des enfants est la limite à fixer à la tolérance de notre appétit."
Un appel aux chrétiens, chapitre XXXIII
La chasteté des chrétiens dans le mariage
St Augustin (401 A.D.) :
"Il y a également des hommes si incontinents qu'ils n'épargnent par leur épouse même quand elle est enceinte. Par conséquent, si immodestes, honteux et sordides que soient les actes que les époux commettent entre eux, ce sont les péchés des époux eux-mêmes et non la faute du mariage."
Saint Césaire d'Arles (468-542), sermon 44:7 :
"Ce qu'il y a de pire, c'est qu'il y a même des hommes dissolus ou ivres qui vont quelque fois jusqu'à ne pas même épargner leur épouse pendant qu'elle est enceinte. Aussi, s'ils n'amendent pas leur vie, nous devrons les considérer comme pires que des animaux.".
Les Constitutions apostoliques (375 A.D.) :
"Quand les règles apparaissent chez l'épouse, ne laissez pas son mari s'approcher d'elle, eu égard aux enfants à naître; car la loi l'a interdit, et elle dit : 'Tu ne t'approcheras pas d'une femme pendant son impureté menstruelle, pour découvrir sa nudité' (Lévitique XVIII.19 ; Ezéchiel XVIII.6). Ne le laissez pas non plus fréquenter sa femme quand elle est enceinte. Car les époux usent de l'acte conjugal pour la génération des enfants, et non pour le plaisir. Or, celui qui aime Dieu ne doit pas aimer le plaisir."
The Sacred Writings of Apostolic Teaching and Constitutions,
Book V, Chap. XXVIII.
St. Ambroise (340-397) :
Il déclarait à juste titre qu'il est honteux de continuer à avoir des relations sexuelles après la conception de l'enfant, et que les personnes qui font cela "contaminent l'embryon et suscitent la colère de Dieu" :
"Les jeunes manifestent habituellement le désir d'avoir des enfants, et pensent excuser la chaleur de leur âge par le désir de la génération. Combien il est plus honteux aux vieillards de confesser ce que les jeunes confessent. Car même les jeunes tempèrent leurs coeurs par la prudence de la crainte de Dieu, et renoncent généralement aux oeuvres de la jeunesse quand la semence a été reçue. Est-ce étonnant pour l'homme, si les bêtes montrent un zèle pour la génération, et non un désir de la copulation ? En effet, une fois qu'elles savent que le ventre est rempli, et que la semence est reçue par la terre génératrice, elles ne s'appliquent plus aux oeuvres de la chair et à la lascivité de l'amour, mais elles ont le soucis de parents. Tandis que les hommes n'épargnent ni l'embryon, ni Dieu. Ils contaminent le premier et fâchent le second. "Avant de te former dans le ventre de ta mère, je t'ai connu, et avant que tu sortisses de son sein, je t'ai consacré" (Jérémie I.5). Pour contrôler votre impatience, remarquez la main de l'Auteur formant un homme dans le ventre de sa mère. Il est à l'oeuvre, et par la concupiscence vous souillez le secret du ventre sacré. Imitez la bête ou craignez Dieu. Pourquoi est-ce que je parle des bêtes ? Parce que la terre elle-même se repose souvent du travail de la génération, et si elle est souvent remplie de la semence jetée par l'avidité impatiente des hommes, elle punit l'impatience du fermier et change la fertilité en stérilité. Par conséquent, même dans les éléments de la nature c'est une honte de ne pas cesser de générer."
Commentaire de l'Évangile selon St. Luc I.43-45.
St. Clément d'Alexandrie :
"Que la loi [juive] ait voulu que les hommes cohabitent avec leurs femmes dans la retenue et dans l'unique but de donner naissance à des enfants est une chose évidente... Aussi, vous ne pouvez dans les Saintes Écritures un seul passage où l'un des anciens approcha une femme enceinte. Plus tard, une fois l'enfant né et sevré, les maris et femmes pouvaient reprendre leurs relations. Vous verrez que le père de Moïse conserva ce principe à l'esprit. Après la naissance d'Aaron, trois ans s'écoulèrent avant que Moïse ne naisse (Exode VII.7). De même, la tribu de Lévi observait cette loi de la nature donnée par Dieu, et c'est pourquoi elle était moins nombreuse que toutes les autres ayant accédé à la terre promise (Nombres III.39). Car une tribu ne s'accroît pas aisément et en grand nombre si ses membres font usage de l'acte conjugal seulement dans le cadre de la relation maritale et attendent la fin non seulement de la grossesse mais de l'allaitement."
The Stromata or Miscellanies, Book III, Chapter XI, Section 71, 72,
On Marriage and Procreation c. 198-203 A.D.)
"Que les femmes mariées s'examinent elles-mêmes et qu'elles voient si elles s'approchent de leur mari pour cette seule raison [la procréation], afin qu'elles puissent avoir des enfants, et après la conception, s'abstenir [de l'acte conjugal]. Car ces femmes [vertueuses], lorsqu'elles ont conçu, ne consentent plus à copuler avec un homme [elles y sont obligées si le mari le demande, mais doivent l'en décourager]. Mais quelques femmes - et nous ne les blâmons pas toutes également - servent leur passion incessante(...). Or les bêtes elles-mêmes, quand elles ont conçu, ne laissent plus d'opportunités aux mâles.
Homélies sur la Genèse,
Homélie V, Section IV, Sur Lot et ses filles.
St. Finnien de Clonard (470-549) :
"Nous conseillons les fidèles et les exhortons à la continence dans le mariage, car le mariage sans la continence n'est pas licite, c'est un péché ; et le mariage n'est permis par l'autorité de Dieu non pas pour la concupiscence mais pour le bien des enfants, comme il est écrit : 'Et tous deux ne seront qu'une seule chair', c'est-à-dire dans l'unité de la chair pour la génération des enfants, et non pour la volupteuse concupiscence de la chair. Les époux doivent donc s'abstenir durant trois périodes de quarante jours chaque année, par consentement, afin d'avoir du temps pour la prière et pour le salut de leur âme ; et après que la femme a conçu le mari ne doit pas avoir de relation avec elle, jusqu'à ce qu'elle ait donné naissance à son enfant [en réalité jusqu'à ce qu'il soit sevré, donc deux ans plus tard, lorsque l'allaitement est terminé]."
The Penitential of Finnian, #46
Medieval Handbooks of Penance
by John T. McNeil and Helen Gamer. New York: Columbia University Press, 1938)
Ce n'est qu'un échantillon...
On voit que les Pères prescrivent la pureté des enfants de Dieu, et non la "morale" de plus en plus médiocre qui a sévi par la suite.
La sexualité sans fin procréatrice est toujours au minimum un péché véniel ; et l'habitude du péché véniel peut devenir un péché mortel, comme Notre-Seigneur l'a dit à Sainte Brigitte de Suède. Les hommes qui ne cessent de s'approcher de leur femme idolâtrent le corps de leur épouse, et n'aiment pas Dieu "par-dessus tout". Ils sont, comme le disent les Pères, des adultères de Dieu.
Sur le forum cathinfo, j'ai reçu tous les qualificatifs : cathare, albigeois, puritain, janséniste... Mais que ne traite-t-on de jansénistes Saint Augustin, St. Thomas d'Aquin et tous les Pères que je viens de citer (et ceux que je n'ai pas cités !) ?
La concupiscence dans le mariage fait dégénérer la race, enfantant une race voluptueuse et fragile, vulnérable aux maladies du corps et de l'âme. Car il faut savoir que le péché originel, comme l'enseignent St. Augustin et plusieurs Pères, se transmet par l'acte sexuel ; donc plus les époux s'adonnent à la concupiscence, plus la concupiscence de l'enfant lui-même sera grande. Aussi, certains manuels de "morale" des mahométans relèvent eux-mêmes qu'avant la "libération sexuelle", les prêtres catholiques (seulement les bons en réalité) enseignaient à leurs fidèles que le mode de reproduction humaine actuel était une conséquence du péché originel, et que les époux devaient y prendre le moins de plaisir possible. Je l'ai lu noir sur blanc dans un livre de "morale" sexuelle chiite ! Or, quel catholique (même traditionaliste) sait cela aujourd'hui ?
JAMAIS l'Église n'a fait l'apologie de la sexualité, comme l'a fait le pseudo pape sexologue Wojtyla...
Je suis conscient que c'est la plus grande tentation qu'il y ait sur terre, le plus grand plaisir ; mais seule la conscience du néant des choses d'ici-bas peut nous en garder. Les époux devraient également se motiver dans la vertu en songeant que s'ils respectent la sainte loi de la nature, ils auront plus de chances de voir naître des enfants robustes, de corps et d'âme ; et spécialement s'ils respectent en outre les trois jours de chasteté entre le mariage et leur rencontre sur le lit nuptial (la bénédiction des patriarches promise à Tobie).
Les catholiques traditionalistes se font les champions de la doctrine, ils adulent tel ou tel auteur "contre-révolutionnaire" ou "antimoderniste", et ils ont parfois une conception stéréotypée et monomaniaque de la foi : par exemple ces sédévacantistes du clan LHR et tous ceux qui passent leur temps à lire Mgr Gaume, les abbés Lémann, ou d'autres auteurs antimodernistes (comme si c'était notre unique but sur terre), mais à côté de cela, qu'en est-il de la morale ?
Je rappelle qu'il faut peu de doctrine pour se sauver (très peu même) ; en revanche il faut une morale relativement rigoureuse ; donc il n'y a pas plus vain comportement, que de passer son temps à parler de doctrine, et jamais de la morale. C'est du pur pharisaïsme ; et c'est vers cette dérive que nous courons.
Les grecs schismatiques, eux, parlent beaucoup de la morale et de la spiritualité, de la mystique : l'union à Dieu, l'échelle de Saint Jean Clymaque, la mortification des sens,etc.
J'ai vu plusieurs fois des catholiques (même membres de tiers ordres), avoir un langage vulgaire par exemple (aussi bien chez les sédévacantistes que chez certains lefebvristes), et de façon habituelle. Dans un monastère j'ai vu un fidèle sédévacantiste du clan LHR employer le mot "dégueulasse" au lieu de dire "dégoûtant"; et chez un nombre notable de fidèles, il s'agit d'une habitude. Plusieurs insultent leurs ennemis (voire les maudissent), médisent de leurs frères, pratiquent le jugement téméraire ("les Arabes et les chômeurs ne veulent pas travailler"), supposent le mal chez l'autre, s'énervent sur les sujets les plus anodins dès qu'on est en désaccord avec eux... Et cela, bien souvent par la faute des prêtres, qui font des sermons trop vagues sur les questions morales, voire ne parlent que de doctrine.
Saint Jean Chrysostôme, lui, parlait la plupart du temps de morale, dénonçant les péchés du peuple en donnant des exemples concrets et édifiants...