Éric m'a fait parvenir une critique de notre film, rédigée par l'un de nos lecteurs. Elle porte principalement sur la première partie, et spécialement sur mes arguments théologiques. À vrai dire les objections qui me sont adressées manifestent la même incompréhension que chez les sédévacantistes, en particulier à propos de l'infaillibilité de l'Église : et cela me peine de voir qu'on ne comprend toujours pas ce qu'est l'infaillibilité, malgré les nombreuses explications que j'aie données sur le sujet. Je dois répéter toujours les mêmes choses, comme si j'étais une sorte de perroquet.
Globalement, les objections qu'on m'adresse sont les suivantes :
-Mon film atténuerait excessivement la responsabilité de Paul VI ;
-Il atténuerait excessivement la responsabilité de Vatican II dans la crise de l'Église ;
-Il dénaturerait l'infaillibilité de l'Église.
Le problème récurrent et maladif, c'est l'incapacité des catholiques, aussi bien prêtres sédévacantistes que laïcs, à faire la différence entre un acte du magistère (constitution dogmatique, bulle, encyclique...), et son CONTENU. Que l'acte appartienne au magistère ordinaire ou qu'il appartienne au magistère extraordinaire, dans les deux cas l'infaillibilité stricto sensu ne porte pas sur l'intégralité du contenu, comme le prétendent les sédévacantistes fanatiques ; elle ne porte que sur les déterminations irrévocables d'un point de doctrine, en matière de foi ou de morale. C'EST TOUT. Mettez-vous le bien dans la tête !
Qu'on parle du magistère ordinaire ou extraordinaire, globalement c'est pareil, la condition est la même. L'encyclique Humanae Vitae par exemple appartient au magistère ordinaire : Paul VI s'exprime en tant qu'évêque de Rome, sans recourir à une Bulle, par nature plus solennelle ; et pourtant il détermine une doctrine irrévocable, en apportant une solution définitive à un problème moral et en confirmant la doctrine constante de tous les pasteurs (c'est-à-dire du magistère ordinaire universel). Or, dans cette encyclique, la seule partie infaillible est celle où Paul VI condamne la contraception et toutes ces pratiques contre-nature ; mais les arguments qu'il donne, par exemple, ne sont pas infaillibles. De même, dans la Bulle du Pape Pie IX proclamant le dogme de l'Immaculée Conception, seule la définition est infaillible ; mais les arguments en faveur de ce dogme ne le sont pas. Ce que je dis là est la doctrine de TOUS LES MANUELS DE THÉOLOGIE.
Étant donné que le concile Vatican II ne contient aucune doctrine irrévocable, aucun de ses enseignements n'est infaillible, même dans les constitutions dogmatiques. Ce que dit le Père de Vergeron par exemple (un prêtre moderniste) est faux : lorsque Paul VI a proclamé Marie Mère de l'Église à l'issue du concile, la proclamation n'était pas infaillible car elle n'entendait pas déterminer de doctrine irrévocable. Ce qui ne veut pas dire que Marie ne soit pas Mère de l'Église, évidemment ! Pour vous donner un autre exemple, lorsque l'Église a condamné l'Action française la condamnation n'était pas infaillible, parce que le Pape n'a pas énuméré les erreurs de Charles Maurras (il ne s'agissait que d'une dénonciation générale) ; ce qui ne veut pas dire que l'Action française n'était pas condamnable !
La personne qui a rédigé cette critique de notre film me reproche notamment d'employer une terminologie prétendument "moderniste" du terme de "magistère authentique". On voit que beaucoup de catholiques fidèles sont influencés par les sédévacantistes, car l'un de nos frères dans la foi m'avait déjà objecté, au téléphone, que cette terminologie était récente (pour ne pas dire moderniste). Or, peu importe qu'elle soit récente : l'infaillibilité pontificale ayant été définie récemment, il est normal que certains usages terminologiques soient nés pour mieux la décrire.
Le magistère authentique désigne l'enseignement public du pape ou des évêques (le magistère ordinaire ou extraordinaire), par opposition à l'enseignement privé. Ainsi, le pape et les évêques ne sont pas infaillibles dans leur enseignement privé (cependant, suivant l'opinion majoritaire le Pape ne peut sombrer dans l'hérésie avec pertinacité). MAIS les théologiens ont aujourd'hui coutume d'employer le terme de magistère authentique pour désigner le contenu non-infaillible du magistère ordinaire ou extraordinaire : ils veulent dire qu'il y a alors SEULEMENT le caractère public, mais sans l'infaillibilité stricte (cette terminologie est donc parfaitement rigoureuse est vraie) : ce qui prouve encore une fois qu'il faut différencier l'ACTE et le CONTENU.
Pour un juriste, c'est facile à comprendre ; mais j'ai déjà rencontré une personne de haut niveau intellectuel (par son métier même) qui disait que cela ne lui semblait pas si facile que ça ; donc le fait est que beaucoup de catholiques ont dû mal à saisir ces notions, même quand on leur explique avec attention.
Il faut retenir que :
1°) Les actes du magistère (ordinaire ET extraordinaire) ne sont pas infaillibles dans TOUT leur contenu, mais seulement dans la partie constituant une détermination irrévocable d'un point de doctrine.
2°) Il y a donc dans les actes du magistère des enseignements infaillibles et des enseignements non-infaillibles.
3°) L'avis unanime des théologiens et des évêques en matière de foi ou de morale vaut infaillibilité (c'est le magistère ordinaire universel) ; mais lorsqu'il y a doute sur l'unanimité, l'enseignement est réputé non-infaillible tant que le Pape ne l'a pas repris et confirmé infailliblement dans son propre magistère pontifical.
4°) La partie non-infaillible du magistère (le magistère seulement authentique) est dite "infailliblement sûre", en ce sens qu'elle ne peut pas causer de péril grave à la foi. Mais l'erreur n'est pas exclue et j'ai déjà cité des théologiens de renom qui en ont parlé : bien que le cas soit rare il est réel, et donc ce qui est arrivé à Vatican II est en soi possible (spécialement pour des raisons mystiques, parce que nous sommes à la fin des temps et que l'Église devait être revêtue du péché).
On ne peut pas dire à strictement parler que les enseignements de Vatican II comportent un péril grave pour la foi (d'ailleurs je rappelle que ce ne sont pas ces enseignements qui ont motivé une soustraction d'obédience) : Mgr Fenton avait vu d'avance le problème avant la clôture du concile, et face aux déviances modernistes il avait tenté de rassurer les catholiques en leur disant que l'Église ne pouvait pas sombrer, et que malgré tout ce que les modernistes pourraient faire, le Pape et tous les évêques du monde ne pouvaient errer gravement en matière de foi.
Cependant, s'il devait y avoir une concession de ma part, ce serait la suivante : sans le Préambule sur Dignitatis Humanae, et sans la note de Paul VI à propos du document sur le collège épiscopal, peut-être y aurait-il eu en effet péril grave pour la foi (et encore) ; mais ces textes ont été rajoutés, et neutralisent l'interprétation hérétique de chacun de ces documents ; donc il est vain de s'interroger sur cette question.
Encore une fois, il est impératif de comprendre qu'un concile général composé de tous les évêques du monde (même sans le Pape) est immunisé contre l'hérésie : Mgr Guérard des Lauriers lui-même l'admettait, car il s'agit d'un enseignement du magistère ordinaire universel ; mais les guérardiens, qui connaissent généralement mieux la théologie que les sédévacantistes complets, disent que Vatican II comporte des ERREURS (et non pas des hérésies), qui auraient été enseignées comme doctrines de foi (au moins la liberté religieuse). Cependant ils se trompent, au sens où :
1°) Dignitatis Humanae n'a pas fait l'objet d'une détermination irrévocable.
2°) La liberté religieuse de Dignitatis Humanae n'est pas la même notion que la liberté religieuse condamnée par le Syllabus : car la première prévoit l'exception liée à l'ordre public (qui inclut l'ordre moral), bien plus large que l'exception liée à la tranquillité publique que prévoit la liberté religieuse condamnée par le Syllabus.
3°) Un pape infailliblement légitime (accepté pacifiquement et universellement) ne peut pas errer dans l'enseignement de la foi.
4°) Les brebis n'ont pas le droit de mettre en doute le caractère catholique des enseignements du pape, et d'examiner leur conformité avec les enseignements du magistère antérieur : ce serait du libre examen protestant, comme l'a fait remarquer le Docteur Fastiggi à Mgr Sanborn lors de leur conférence filmée (je serais ravi d'organiser moi aussi une telle conférence, beaucoup mieux filmée, mais je crois que nos adversaires n'en auront pas le courage - et surtout à leurs yeux nous sommes des fous).
Quant à la question de la responsabilité de Vatican II dans la crise, je ne la nie pas (il suffit de se rappeler ce que je dis du chapitre XII de l'Apocalypse), mais ses enseignements ne sont que la conséquence d'un problème plus ancien. Il ne faut pas se centrer sur Vatican II, dans le sens où si Paul VI avait pu conserver le gouvernail, tous ces mauvais enseignements de Vatican II seraient restés lettre morte. D'ailleurs le concile prévoyait même le maintien du latin, et a ralenti les déviances plus graves. Les francs-maçons n'ont pas été satisfaits de Vatican II (d'où les persécutions à l'encontre de Paul VI dans les années 60), car ils n'ont pas obtenu ce qu'ils désiraient : ils voulaient beaucoup plus. Jusqu'à la nouvelle messe l'Église ne se portait encore pas trop mal, du moins par rapport à ce qu'elle est devenue après. Vatican II n'est pas la RACINE du problème ; mais la nouvelle messe a permis de détruire la dernière enceinte de la forteresse, car la vraie Messe avec ses grâces infinies détournait encore de nombreuses âmes du péchés et du modernisme. Sans la nouvelle messe je crois que Vatican II n'aurait pas suffi à assurer la réussite de la Loge...
Il est faux de dire, comme le fait l'auteur de la critique qui m'a été adressée, que Paul VI aurait pu aisément terminer le Concile. Les exorcismes suisses l'ont dit explicitement, les révélations de Necedah également, et probablement d'autres révélations privées encore. Moi-même, qui ai fait du droit et qui connais le fonctionnement très lourd d'une administration, je peux vous dire que c'est beaucoup plus complexe que vous ne le croyez. Un concile ne s'arrête pas comme ça. D'ailleurs même le Pape Saint Pie X a déjà été obligé de laisser en poste des modernistes, tout simplement parce qu'il n'avait aucune preuve à leur charge pour les destituer. Un pape dont l'administration est vérolée ne fait pas ce qu'il veut. Les catholiques moyens qui critiquent Paul VI, ou Saint Pie X, ou d'autres papes avent eux, ne savent pas ce qu'ils disent.
Quand j'étais professeur dans une école privée pseudo catholique (je n'y suis pas resté longtemps), j'ai vu ce que c'était déjà d'essayer d'exercer son autorité sur quelques enfants de CM2 ; alors tenir le premier sceptre du monde, au milieu d'hommes pervers, nombreux et malicieux, je n'ose même pas l'imaginer...
Vous dites "Paul VI dirigeait tout" ; mais les documents qu'il faisait parvenir à la secrétairerie d'état étaient falsifiés, et pour lui faire croire qu'on avait tout fait selon ses voeux, on lui montrait les versions originales en double. C'est ainsi que Paul VI fut dupé de plus en plus, jusqu'à perdre tout contrôle lors de la réforme de la Curie par le cardinal Villot, qui chapeauta toutes les institutions romaines.
J'ajouterais enfin que vous vous centrez sur Vatican II en affirmant que c'est la première fois que le magistère de l'Église donne lieu à de tels scandales, mais je vous répondrais que des papes précédents ont déjà négligé de dire la vérité avec suffisamment de clarté, dans des matières graves. J'ai parlé par exemple, dans mon précédent article, de l'encyclique Casti Conubii du Pape Pie XI, qui par une fausse pudeur et une fausse notion de la respectabilité, n'a pas osé proclamer la doctrine morale dans toute son exigeance, au contraire du Christ qui parlait clairement aux hommes, comme on le voit dans les révélations d'Anne-Catherine Emmerich.
Il faut savoir que même l'Alcoran des mahométans interdit la sexualité durant la grossesse. Tous ces catholiques qui violent la chasteté conjugale donnent des enfants de plus en plus faibles, qui côtoieront de beaux arabes saints et vigoureux (je suis provocateur mais c'est la vérité).
En soi, l'infaillibilité pontificale n'exclut pas qu'un pape manque à son devoir en négligeant de proclamer toute la vérité comme elle doit l'être ; elle exclut simplement qu'une détermination irrévocable d'un point de doctrine (en matière de foi ou de morale), puisse proclamer quelque chose de faux.