J'ai reçu de nouvelles objections sur l'acceptation pacifique, mieux formulées. Or, en y réfléchissant, je crois avoir compris une chose importante, qui résout la seule difficulté que j'aie rencontrée en composant mon ouvrage "La survie de Paul VI : une certitude de foi". La question que je m'étais posée était la suivante : "comment se fait-il qu'il n'y ait pas eu un plus grand nombre d'évêques pour protester contre Wojtyla ?" Certes, la doctrine de l'acceptation pacifique implique bien l'assentiment moralement unanime des catholiques, et pas seulement de l'Église enseignante (sinon on ne parlerait plus d'Église universelle) ; mais comme le corps épiscopal ne peut errer gravement en matière de foi, il me paraît effectivement difficile de dire que l'unanimité morale des évêques puisse adhérer à une fausse règle de foi. Or, mon travail s'est renforcé face aux objections - et même parfois considérablement. Et là justement, je pense avoir compris la solution au problème...
Avant de vous dire quelle est cette "solution", je souhaite insister sur les vérités suivantes :
1°) L'infaillibilité de l'Église enseignée a beau n'être que passive, l'acceptation pacifique du pape par l'Église universelle n'en requiert pas moins l'assentiment moralement unanime des fidèles. Qu'il s'agisse simplement d'une confirmation, je le conçois (encore que ce ne soit pas prouvé car l'acceptation pacifique pourrait aller au-delà du magistère ordinaire universel, en reposant sur un fondement indépendant) ; mais en admettant que ce soit le cas, cela ne change rien au fait que cette confirmation est REQUISE.
2°) La doctrine de l'acceptation pacifique repose notamment sur le fondement de l'unité de l'Église : si l'unanimité morale des fidèles pouvait adhérer à une fausse règle de foi, alors la tête serait séparée du corps ; et l'Église ne serait plus une, mais divisée. Donc il est certain que l'acceptation des fidèles est absolument requise ; et c'est pourquoi l'argumentation de Monsieur X est fausse, comme celle de tous ceux qui disent que l'acceptation des cardinaux et des évêques suffit. On trouve certes des théologiens défendant cette idée ; mais ce n'est pas pas la majorité des théologiens (et d'ailleurs ils n'ont jamais été confrontés à une situation telle que celle à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui !).
Précisément, dans le cas de l'élection de Wojtyla, si l'acceptation n'a pas été confirmée par l'assentiment unanime des fidèles, cela semble indiquer que l'Église enseignante elle-même n'a pas reconnu pacifiquement et universellement l'antipape Jean-Paul II. D'ailleurs, Mgr Lefebvre a déjà dit que des centaines d'évêques étaient de son côté, en silence, dans le secret. Donc, ce que je veux justement vous dire, c'est que l'absence de reconnaissance universelle de la part des fidèles est probablement un signe que l'Église enseignante elle-même n'a pas reconnu Wojtyla, quoique dans le secret. La doctrine de l'acceptation pacifique n'exige pas que la contestation des évêques soit publique, mais que celle de l'Église universelle le soit. Aussi, de même que l'acceptation pacifique du pape par toute l'Église est un signe certain de la régularité de l'élection, de même l'absence d'acceptation pacifique de la part des fidèles semble être un signe certain de l'absence d'assentiment unanime de la part du corps épiscopal. En d'autres termes, c'est la désobéissance publique d'une partie notable des fidèles - et même de la partie la plus pure - qui nous a révélé l'absence d'assentiment occulte de l'Église enseignante : une minorité d'évêques pieux (voire de cardinaux) n'avait pas accepté Wojtyla dans son coeur. MIEUX ENCORE, l'existence d'un pape légitime en vie (Paul VI) empêchait l'assentiment moralement unanime de l'Église enseignante, car le Pape étant l'élément principal et prédominant de l'Ecclesia docens, sa survie à elle seule constituait un obstacle à l'assentiment unanime, sa voix prévalant sur toutes les autres ; et la désobéissance pratique des fidèles nous a donné le signe infaillible de sa survie.
Je vous remercie de m'avoir adressé ces objections - certaines plus heureuses que d'autres - car je n'étais jamais allé jusqu'au bout du raisonnement. Vous me permettez donc d'apporter une confirmation supplémentaire et encore plus précise de la certitude infaillible de la survie du Pape Paul VI...