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In Nomine Domini

In Nomine Domini

« Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité » (Jean XVIII. 37)


Un ouvrage sur l'incontinence dans le clergé

Publié par Jean-Baptiste sur 10 Décembre 2016, 10:00am

L'un de nos lecteurs a eu l'amabilité de nous adresser par la poste l'ouvrage d'un certain "Thomas Verax" sur l'incontinence dans le clergé. Ce livre a été publié à la fin du XIXe siècle, semble-t-il par le Père Auguste-Marie Lebeurier, qui utilisa un pseudonyme ; ce qui ne l'empêcha pas d'être déclaré suspense a divinis, parce qu'il avait publié son ouvrage sans imprimatur (l'intéressé avait bien essayé de faire contrôler son travail mais on lui avait gentiment fait comprendre qu'il partirait aussitôt à la poubelle). La sanction canonique pesa lourdement sur ce pauvre prêtre, qui perdit son traitement. J'ignore quelles furent par la suite les conséquences car on ne trouve pas tellement d'informations sur lui.

Je pense que le motif principal de la sanction fut l'hypocrisie ambiante, qui consistait à s'aveugler sur le nombre croissant de scandales au sein du clergé. À cette époque, les scandales, on préférait les cacher ; mais je suis d'avis qu'en agissant ainsi on ne fait que les augmenter. Par ailleurs le Père Auguste-Marie Lebeurier dénonçait à juste raison l'inaptitude de l'épiscopat à résoudre ce problème de l'incontinence des prêtres. Certains scandales auraient pu être évités par de sages mesures et ne l'ont pas été.

Cela dit, je pense que certains passages de l'ouvrage de ce prêtre sont très blâmables, et qu'en vérité son étude méritait bien une censure. Seulement il aurait fallu procéder autrement que par la peine de suspense, à cause des effets fâcheux d'une telle sanction, à l'égard d'un prêtre qui était de bonne volonté. D'autant plus qu'à mon avis, la sanction qu'il s'est attirée n'était probablement pas motivée par de bonnes raisons.

Mais précisément, quelles sont les idées blâmables de ce prêtre ?

Il y a celle de dire que la chasteté parfaite est moralement impossible chez certaines personnes d'un tempérament enclin à la luxure. Pour moi une telle idée est à la fois fausse et très dangereuse, car il ne faut pas oublier que le monde est peuplé d'un grand nombre de célibataires (volontaires ou non !), qui n'ont pas le droit d'user des plaisirs de la chair sans offenser gravement la nature et les commandements divins. Aussi, le fait de prétendre que la chasteté parfaite est moralement impossible à certaines personnes revient à dire que ces dernières sont condamnées à la luxure, et donc à l'inimitié avec Dieu.

Le Père Auguste-Marie Lebeurier a des propos qui contredisent la liberté humaine. Il dit par exemple que lorsqu'une personne est harcelée de tentations, les médecins reconnaissent eux-mêmes qu'il est difficile d'évaluer sa culpabilité (en termes de consentement), et qu'un prêtre qui serait victime de ce problème malheureux pourrait commettre une longe suite de sacrilèges (en célébrant sa messe en état de péché mortel), et terminer une vie d'amertume et de lutte par la damnation éternelle. Sympa le Père Auguste-Marie non ? Plus sérieusement, les ouvrages de théologie morale sont très clairs, et les médecins ne sont pas les mieux à même de juger la culpabilité des pénitents (!) : quand une personne est tentée au point que les pensées harcèlent son esprit en état d'éveil, cette personne peut rester chaste en refusant de consentir au plaisir. Sur ce point les révélations du Christ à Marie Lataste sont très claires. Bien sûr, quand la tentation est très véhémente la personne ressent du plaisir malgré elle ; mais dans la partie supérieure de son âme, elle doit refuser de consentir à ce plaisir, elle doit désapprouver l'objet qui lui est présenté dans la partie inférieure.

Il y a des personnes cruellement tentées, parfois par leur propre faute (par exemple parce qu'elles ne se sont pas suffisamment efforcées de fuir les occasions de péché), parfois sans faute de leur part (concupiscence, persécutions diaboliques, malédiction), ou un peu des deux. Il faut prendre les remèdes nécessaires (prière, et jeûne ou veille si l'on a la santé), mais parfois, malgré ces remèdes la tentation persiste : dans ce cas il faut refuser de consentir au plaisir, dans la partie supérieure de son âme.

Les païens nous accusent de mener une vie contre-nature, c'est-à-dire une vie qui va à l'encontre des impulsions naturelles de l'être humain ; mais ils ne comprennent pas que depuis le péché originel, l'homme est comme un maître qui a été fait prisonnier par son esclave, et qui doit lutter pour être délivré (c'est l'image qu'emploie la vénérable Anne-Catherine Emmerick). Donc nous devons lutter pour que les passions (qui appartiennent à la partie inférieure de notre âme) soient soumises à la partie supérieure, et non pas l'inverse. Si le plaisir était le principe de la vie sur terre, le monde serait peuplé de crimes : car certains plaisirs sont défendus par la nature et par le bien commun de la société. L'homme ne doit pas se guider par le plaisir mais par la raison. J'ai connu un prêtre sédévacantiste qui dénonçait cette apologie du plaisir dans notre société, par exemple ces gens qui disent, pour justifier leur attitude (même peccamineuse) : "ça me fait plaisir". L'un des cas les plus symptomatiques est celui du viol : pourquoi le violeur agit-il ainsi, sinon par plaisir ? Saint Augustin explique que si la loi ne défendait pas le viol, beaucoup d'hommes le pratiqueraient : et c'est pourquoi, dit-il, il y a de nombreux viols durant les guerres. Songez-y quelques instants : il y a autour de vous des hommes en apparence policés, qui peut-être, en temps de guerre, violeraient des femmes. On comprend alors la perversité du genre humain depuis la chute, l'homme étant enclin à poursuivre un plaisir qui contredit son bien, la nature et le bien de la société.

Par suite de son erreur, le Père Auguste-Marie Lebeurier a d'autres idées fausses qui procèdent de la même confusion, de la même forme de négation de la liberté humaine. Par exemple il semble prétendre que les personnes au passé peccamineux ou au tempérament lubrique ne doivent pas devenir prêtres. Certes, il est arrivé que ce soit la règle dans les sociétés chrétiennes ; mais si Saint Augustin et Saint Jérôme avaient suivi ce raisonnement, ils ne seraient pas devenus prêtres, et l'Église n'aurait pas aujourd'hui ces deux grands intercesseurs. Car tous deux ont eu une vie peccamineuse avant de devenir prêtres. Saint Jérôme a d'ailleurs été plusieurs fois tenté par les souvenirs honteux de sa vie passée, comme il l'écrit dans ses lettres. Au milieu du froid, de la fatigue et du jeûne, ces tentations ne cessaient pas de le harceler. Saint Bernard lui-même a été fort tenté, plusieurs autres saints également. Comme le dit l'Imitation du Christ, et comme l'ont dit aussi les exorcismes suisses, certains sont tentés brièvement, d'autres durant toute leur vie, et quelque fois bien cruellement ; mais leur mérite n'en sera que plus grand s'ils en sortent victorieux (ou s'ils se relèvent de leurs chutes aussi rares que possible) : car ne l'oublions pas, les tentations sont une source de mérites. Il ne faut pas les désirer, et l'on doit même les éviter, mais quand elles viennent, il ne faut pas les maudire ou s'en attrister excessivement. L'on doit s'attrister non pas de la tentation elle-même, mais de l'objet très vil qu'elle présente à notre âme. Les prophètes juifs disaient : "Seigneur, délivrez-moi de ce corps de mort".

Certains célibataires involontaires envient les gens mariés ; et St. François de Sales, notamment, parle des vierges que le démon tente, en leur représentant l'immensité des plaisirs auxquels elles renoncent ; mais les célibataires (volontaires ou non) ne devraient pas envier les gens mariés, ils devraient plutôt les plaindre. Car il n'y a pas de servitude plus grande que celle de la chair, au point que des personnes comme Origène se sont châtrées, de peur de céder à la luxure (ces mutilations sont toutefois interdites par l'Église).

Il faut ajouter que ce n'est pas parce qu'on est marié qu'on peut vivre n'importe comment. Par conséquent, dans le cas des personnes de tempérament luxurieux (dont parle le Père Auguste-Marie), ce n'est pas nécessairement un remède de se marier. Céder à la concupiscence ne porte pas remède à la concupiscence. Parfois ces maux sont d'origine préternaturelle (malédiction, philtre d'amour, persécutions diaboliques, humiliation consécutive à l'orgueil du coupable,etc.), et parfois ils sont d'origine naturelle (problèmes médicaux). Dans les deux cas il convient de s'interroger au remède à porter.

Les exorcismes suisses ont bien expliqué que certaines personnes étaient plus tentées que d'autres, et que ce n'est pas parce qu'on est plus tenté qu'on est plus mauvais. Dans la grande majorité des cas la prière, la confession, le travail, une vie sobre et mortifiée, fournissent le remède approprié. Et dans les cas exceptionnels où le pénitent est tenté durablement (quelle qu'en soit la raison) voire toute sa vie, il doit refuser de consentir, purement et simplement. Il n'est pas condamné d'avance à l'enfer... Un prêtre peut éviter les sacrilèges en formulant de fréquents et sincères actes de contrition. C'est toute l'utilité des actes de contrition, au point que les Rédemptoristes recommandent d'en faire un à chaque fois qu'on s'apprête à se coucher.

Puisse Dieu nous donner l'esprit de pénitence et de chasteté, cette vertu qui nous rend semblables aux anges.

 

 

 

NB : À propos des pièges qu'on tend aux prêtres, ce que dit le Père Auguste-Marie n'est malheureusement que trop vrai. Dans un bourg proche de chez moi, une jeune femme a apporté des dons au prêtre (à son presbytère) volontairement habillée de façon provocante et immodeste. Par bonheur le prêtre (un moderniste) n'a pas cédé. Combien d'autres à sa place n'ont-ils pas sombré dans le péché ? Ce que ces femmes éhontées font à des prêtres (sous l'inspiration du diable), elles ne le feraient pas aux autres hommes : ce qui prouve manifestement l'origine diabolique de leur action.

 

 

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