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In Nomine Domini

In Nomine Domini

« Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité » (Jean XVIII. 37)


Vrai ou faux pape ? (bis repetita)

Publié par Jean-Baptiste sur 8 Février 2017, 15:28pm

 

J'ai déjà évoqué, sur ce blog, l'ouvrage de John Salza et Robert Siscoe intitulé "True or false pope?" (Vrai ou faux pape ?), où les intéressés démontrent que le sédévacantisme contredit la doctrine catholique. Évidemment je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'ils écrivent puisqu'ils croient en la légitimité de Wojtyla et de ses successeurs ; mais plusieurs de leurs arguments contre le sédévacantisme sont vrais. L'essentiel de ce qu'ils écrivent est juste.

Comme je l'ai expliqué lorsque j'ai parlé de ce livre, l'abbé Cekada a régi vivement à l'ouvrage de John Salza et Robert Siscoe, au point d'en déchirer les pages dans une vidéo assez agressive, où l'abbé sédévacantiste use du sarcasme et de la dérision. Or, le blog catholicapedia a cru amusant de publier une traduction française de la vidéo en question, en présentant l'abbé Cekada comme un savant qui réfuterait les grossières erreurs de ses compatriotes Salza & Siscoe. Nous allons voir ici qu'il en va tout autrement...

 

 

L'abbé Cekada reproche aux deux auteurs de s'attaquer à la thèse sédévacantiste sous l'angle de l'idée du pape hérétique, alors que selon lui, les sédévacantistes n'utilisent plus cet argument-là pour contester la légitimité des occupants successifs du Vatican ; ils affirment plutôt que ces derniers étaient hérétiques avant leur élection, ce qui a rendu cette même élection invalide. Sous ce prétexte, l'abbé Cekada arrache de nombreuses pages de l'ouvrage de ses adversaires et les jette violemment à la poubelle, au motif qu'elles seraient hors-sujet.

John Salza et Robert Siscoe ont fort bien répondu à l'intéressé que le chapitre 12, notamment, n'est pas du tout hors-sujet, partant qu'il démontre qu'un pape accepté pacifiquement et universellement par l'Église ne peut pas avoir été hérétique avant son élection : l'acceptation pacifique constitue en elle-même un témoignage infaillible que toutes les conditions requises à la validité de l'élection ont été remplies (cf. le cardinal Billot). Donc ce que dit l'abbé Cekada est faux : ce chapitre, qu'il a arraché, n'est pas hors-sujet.

J'ai moi-même évoqué plusieurs fois la doctrine de l'acceptation pacifique, en démontrant que la Bulle de Paul IV ne contredisait absolument pas cette doctrine, contrairement à ce que l'on peut lire dans la revue Sodalitium de l'abbé Ricossa, ou dans les articles amateuristes de catholciapedia. Nous en parlons également dans notre film, où nous prouvons, photographies à l'appui, que l'expression de "prestation d'obéissance rendue au Pape [par tous]", dans la Bulle de Paul IV, se réfère non pas à l'acceptation pacifique du Pape par toute l'Église, mais à la cérémonie de prestation d'obéissance, qui se déroule dans la chapelle Sixtine après l'élection pontificale. J'ai depuis longtemps envoyé mon ouvrage de théologie dogmatique à l'abbé Ricossa pour le lui faire comprendre et pour qu'il rétracte ses erreurs ; malheureusement ce fut sans réponse de sa part.

L'erreur de John Salza et Robert Siscoe est simplement de croire que Wojtyla et ses successeurs ont été acceptés pacifiquement par l'Église universelle, ce qui est faux. Le dernier pape accepté véritablement pacifiquement et universellement, c'est Paul VI ; et comme je l'ai démontré à maintes reprises, il s'agit en même temps d'une preuve infaillible de sa survie, étant donné que depuis son élection l'Église n'a manifesté aucun effort en vue de l'élection d'un nouveau pape (légitime) ; or s'il n'y avait plus de pape vivant ici-bas ce serait contraire à la doctrine de la perpétuité de la succession apostolique, telle qu'elle a été commentée par le Père Goupil suite au Concile Vatican I.

Si les prêtres et évêques traditionalistes avaient compris la doctrine de l'acceptation pacifique, ils auraient également compris pourquoi Paul VI est aujourd'hui infailliblement vivant. En vérité, c'est enfantin.

 

Mais le sujet de querelle central entre l'abbé Cekada et ses deux compatriotes concerne les conditions de l'hérésie publique ; or il faut savoir que la position de l'abbé Cekada est particulière minoritaire, et tout à fait ridicule, au point que les sédévacantistes guérardiens eux-mêmes ne la partagent pas.

Catholicapedia écrit faussement ceci :

Salza & Siscoe, qui prétendent avoir étudié la question dix années durant, se trompent même sur les données fondamentales relatives au péché d’hérésie. Ils soutiennent en effet que le péché d’hérésie relève forcément, par définition, du seul for interne, niant effectivement du même coup l’existence du moindre péché public. Pour Salza & Siscoe, le péché est interne et le crime externe par définition. Or, la vérité est autre : En tant que péché, l’hérésie peut être interne ou externe, et si elle est externe, elle peut-être secrète (occulte) ou publique.

Et ce faisant, catholicapedia évoque les distinctions du théologien cité par l'abbé Cekada :

Mode d’expression

  1. interne (l’hérésie reste dans l’esprit de l’hérétique, sans signes extérieurs)
    OU
  2. externe (l’hérésie se manifeste par des signes extérieurs tels que paroles, actes, omissions, même si nul de les perçoit).

Combien de personnes ont vu ou entendu l’hérésie

  1. occulte (elle ne se manifeste à aucun individu ou se manifeste seulement à quelques-uns)
    OU
  2. publique (l’hérésie s’est manifestée ouvertement et extérieurement à de nombreuses personnes)

(Merkelbach, Summa Theol. Moral. 1.743-746)

Note importante : Il me semble que les phrases entre parenthèses viennent de l'abbé Cekada lui-même, mais je peux me tromper. Car l'intéressé ne comprend pas la notion d'hérésie publique, qui n'implique pas seulement une extériorisation mais qui implique que la pertinacité de l'hérétique soit avérée.

 

Premièrement, il est faux d'affirmer que selon John Salza et Robert Siscoe le péché d'hérésie relève du seul for interne. Ce n'est absolument pas ce qu'ils écrivent, mais les sédévacantistes sont les spécialistes de la caricature.

Deuxièmement, comme je l'ai déjà expliqué sur ce blog, les théologiens n'emploient pas tous la même terminologie en matière d'hérésie, et ce même depuis le code de droit canon de 1917. Xavier Da Silveira a tout à fait raison sur ce point, et donc il est vain de la part de l'abbé Cekada, de parler comme s'il existait une terminologie unique.

 

Lorsque j'ai participé à la dispute de l'abbé Cekada avec Robert Siscoe sur le forum Suscipe Domine, la plupart des membres présents ont reproché à l'abbé sédévacantiste de se réfugier dans une attitude d'esquive permanente, en réclamant des précisions terminologiques, comme l'aurait fait un rabbin talmudiste. Mais l'abbé Cekada a eu l'impudence de renverser l'accusation en qualifiant les arguments de son adversaires de "talmudiques", alors même que s'il y avait bien quelqu'un à qui l'on pouvait faire ce reproche, c'était lui. Au point que, je le répète, la plupart des participants le lui ont dit. À aucun moment il n'a répondu aux arguments de Robert Siscoe.

Pour vous en donner un exemple frappant, l'abbé Cekada réclamait que son adversaire citât un théologien évoquant la notion de "pertinacité publique", prétextant qu'il s'agissait d'une invention de sa part ; or Robert Siscoe le fit :

"La personne qui, admonestée une ou deux fois, ne se repent pas, mais persévère dans son opinion contraire à un dogme manifeste ou défini - n'étant pas capable d'être excusée, à cause de sa pertinacité publqiue (publica pertinacia), de l'hérésie proprement dite, qui requiert la pertinacité - cette personne, dis-je, se déclare elle-même ouvertement hérétique. Elle révèle que par sa propre volonté, elle s'est détournée de l'Église catholique et de l'Église, de sorte qu'aucune déclaration ou sentence de quiconque est nécessaire pour le retirer du corps de l'Église". De Potestate Ecclesiastica, (Monasterii Westphalorum, Deiters, 1847) ch. 6, sec. 2, pp. 124-125.

Mais l'abbé Cekada ne fut pas satisfait de cette citation sans équivoque, et prétexta avec une mauvaise foi exemplaire que ce théologien n'évoquait pas les distinctions des hérésies. En somme, selon lui le théologien en question aurait dû faire une liste de distinctions catégorielles !

Comme je l'ai expliqué plus haut, tous les théologiens n'ont pas la même terminologie en matière d'hérésie : donc il faut s'attacher au sens des choses plutôt qu'aux mots (sinon on tombe dans le nominalisme). À cet égard, pour que la pertinacité d'un hérétique soit établie, il faut que le sujet en question ait été jugé par l'Église, qu'il ait abandonné la foi catholique, ou qu'il reconnaisse qu'il rejette le magistère de l'Église.

Exemples :

1°) Le Père X a été excommunié par le Saint-Siège.

2°) Le Père X est devenu protestant.

3°) Le Père X a dit qu'il savait que l'Église enseignait la Présence Réelle, mais qu'il n'y croyait pas.

 

Globalement il n'y a que dans ces trois cas que la pertinacité est établie. Même lorsque l'hérésie est évidente, beaucoup d'auteurs disent qu'elle n'est pas prouvée, parce que l'on ne peut pas présumer que le coupable a connaissance de son erreur, quel que soit son rang. Donc lorsque je vous ai dit dans certains articles qu'une hérésie particulièrement évidente pouvait caractériser la pertinacité, je n'avais même pas tout à fait raison.

Saint Alphonse de Liguori a évoqué le cas d'Érasme, qui a enseigné des hérésies évidentes (allant jusqu'à nier la divinité du Saint-Esprit !), tout en demeurant catholique, au sens où il ne rejetait pas la règle de l'Église qu'est le magistère : il a toujours soumis ses ouvrages au jugement ecclésiastique, et n'a jamais quitté l'Église. Pourtant, il est évident suivant la position théologique de l'abbé Cekada et de nombreux sédévacantistes complets, Érasme aurait été un hérétique publique (ce qui ne fut pas le cas).

Si demain, Bergoglio disait "je rejette le magistère ecclésiastique", ce serait un hérétique notoire ; mais il ne l'a jamais fait !

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la plupart des théologiens semblent faire des termes "publique" et "notoire" deux synonymes, tandis que d'autres distinguent l'hérésie publique et l'hérésie notoire.

À ce titre, l'expression de "pertinacité publique", employée par John Salza et Robert Siscoe, est une bonne façon de clarifier le problème : car cette expression montre bien que la pertinacité du sujet doit être connue (avérée) pour qu'il soit considéré comme notoirement hérétique.

Ce sujet est important car il conditionne la question de l'assistance à la Messe. Tant que la personne nommée au Canon n'est pas un hérétique NOTOIRE, il est licite d'assister à la Messe considérée, contrairement aux erreurs de Mgr Guérard des Lauriers, qui vont à l'encontre du quatrième concile de Constantinople, dont j'ai déjà parlé. C'est pourquoi il faut s'écarter des fauteurs d'erreurs qui détournent les fidèles de la Messe dite "una cum". Mais lorsque Bergoglio aura été excommunié, il sera interdit d'assister aux Messes célébrées en union avec lui.

 

Pour terminer, je citerai deux extraits d'un article de John Salza et Robert Siscoe :

"L'hérésie requiert la pertinacité. Donc le "péché public" d'hérésie requiert une pertinacité publique. Si la pertinacité n'est pas manifeste, il n'y a pas de péché public formel d'hérésie, mais simplement ce que l'on peut présumer être une hérésie matérielle - indépendamment de son caractère public (manifesté à plusieurs) ou occulte (manifesté à personne ou à un petit nombre). Quelqu'un qui rejette la foi intérieurement et en toute connaissance de cause peut très bien manifester son hérésie par des signes extérieurs, commettre un péché extérieur contre la foi, et demeurer néanmoins un hérétique 'occulte' [c'est-à-dire dont la pertinacité n'est pas établie].

"Suivant la terminologie trompeuse de l'abbé Cekada, le fait que le péché ait été commis ou non relève du jugement privé, à travers l'observation d'actions externes - même lorsque ces actions externes n'appartiennent pas à l'hérésie publique (impliquant une pertinacité publique). Ces actions externes conduisent les observateurs à conclure que le péché interne a été commis."

 

En fait, c'est tout le problème de la position de l'abbé Cekada et de nombreux sédévacantistes complets, notamment l'abbé Grossin et le clan LHR. Il s'agit d'une position fanatique qui fait la part belle au libre examen protestant, au jugement privé, comme souvent dans les milieux sédévacantistes. Or, cette attitude est libérale et contraire à l'esprit de l'Église.

Si je suis si incisif à l'encontre du sédévacantisme, ce n'est pas par ressentiment pour avoir été chassé d'une chapelle sédévacantiste ; mais c'est à cause de ces thèses fanatiques, qui ont notamment pour travers de priver tant de gens des bienfaits infinis de la Messe.

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