Lors du concile de Ferrare-Florence, qui avait pour but de réaliser l'union entre l'Église romaine et l'Église grecque schismatique, le patriarche de Constantinople mourut, en laissant son Extrema sententia, à savoir une déclaration comme quoi il reconnaissait le Pontife romaine et l'enseignement de l'Église catholique :
"Joseph, par la miséricorde divine, archevêque de Constantinople, la nouvelle Rome, et patriarche œcuménique. Arrivé au terme de ma vie, et sur le point de payer la dette commune de l'humanité, je veux, avec la grâce de Dieu, exposer ouvertement par écrit à mes fils la foi que je professe et la signer. Donc, tout ce que reconnaît et enseigne l'Église catholique et apostolique de Notre-Seigneur Jésus-Christ, je le reconnais moi aussi et j'affirme solennellement que j'y adhère en tout. Je reconnais également le saint Père des Pères, le suprême pontife et représentant de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le pape de l'ancienne Rome. Je reconnais aussi le purgatoire. En foi de quoi je soussigne, le 9 juin 1439, de la deuxième indiction."
A priori, en lisant ce document les personnes de l'avis de Laurent Morlier y verraient une reconnaissance formelle du pape, suffisante à manifester le "ralliement" du patriarche grec. Pourtant, voici ce que Charles-Joseph Hefele écrit dans son Histoire des conciles :
"D'abord, il est absolument inexact que la Sententia contienne un reconnaissance inconditionnelle des soi-disant prétentions romaines. En exprimant son accord avec l'Église romaine sur le dogme, le patriarche ne fait que répéter sous une forme sommaire la décision déjà établie, avec son consentement et celui de l'empereur, par les députés grecs le 7 juin et présentée au pape le 8. Si réellement il aspirait à l'union, il ne pouvait pas agir autrement.
"Deuxièmement, l'Extrema sententia reconnaît sans doute la primauté du pape, mais en termes si généraux que le patriarche demeurait sur ce point évidemment bien au-dessous de ce qu'attendaient les Latins à Florence. Ses expressions n'impliquent même pas nécessairement le primatus jurisdictionis et pouvaient s'entendre dans le sens d'un simple primatus honoris, qu'aucun Grec ne récusait. De nos jours encore les prêtres russes récitent la prière suivante à la fête de saint Silvestre pape : 'Tu es la tête de l'assemblée sainte, tu illumines le trône du prince des apôtres, supérieur divin des saints évêques' ; et pour la fête de saint Léon III pape : "Ô toi, le suprême pasteur de l'Église, tu tiens la place de Jésus-Christ,etc." Sincèrement, l'Extrema sententia s'exprime-t-elle avec plus de force sur la primauté ?"
On voit ici que ce qui aurait pu ressembler à une déclaration pieuse et sincère aux yeux du profane est en réalité une déclaration en-dessous des exigences du pape de l'époque et de l'Église romaine. Pourtant le patriarche grec allait jusqu'à reconnaître qu'il était d'accord avec le Pontife Romain en matière de doctrine ; ce qui n'est visiblement pas le cas de Mgr Fellay vis-à-vis de l'antipape François !
Contrairement à ce que prétend Laurent Morlier, une reconnaissance purement nominale est insuffisante ; et ce cas historique nous en donne une belle illustration, puisque le patriarche, tout en reconnaissant le pape sur le plan théorique (d'une manière d'ailleurs bien imparfaite), n'était qu'en voie d'union, et non pas rallié définitivement. Certes, il semble avoir été inhumé dans une église des environs, comme s'il était catholique romain ; mais c'est parce qu'il aspirait à l'union avant de mourir. S'il avait continué à vivre il aurait dû manifester une obéissance pratique et sans réserve. Après tout, de mémoire la plupart des unionistes de ce concile ont retourné leur veste en rentrant chez eux.