Dans nos milieux catholiques orthodoxes, de nombreuses personnes sont légalistes...
Pour comprendre ce qu'est le légalisme, il faut d'abord comprendre ce qu'est la loi. La loi est un ensemble de mesures édictées en vue de la réalisation d'un certain bien, et promulguée par l'autorité légitime. Lorsqu'une loi contredit le bien ou n'est pas promulguée par l'autorité légitime, il ne s'agit pas d'une loi au sens du droit naturel : il s'agit plutôt d'un décret inique.
La loi civile a principalement pour fin le bien commun naturel, et la loi religieuse a principalement pour fin le bien surnaturel. Or, il existe des circonstances dans lesquelles une loi même parfaitement bonne est inopportune, ce qui oblige à écarter son application, en vue de la réalisation de la fin pour laquelle elle a été édictée. L'esprit de la loi est alors respecté. Par exemple, la loi du Carême ne pourrait pas s'appliquer à un peuple qui ne mange quasiment que de la viande, comme ce fut traditionnellement le cas des Lapons. Elle ne peut pas non plus s'appliquer à un peuple qui est obligé de manger beaucoup (et surtout plusieurs fois par jour) pour se protéger du climat : c'est le cas des Esquimaux.
Durant les Croisades, il est arrivé que les Croisés mangent pendant le Carême des poissons qui avaient consommé des cadavres humains, au motif qu'ils n'avaient pas le droit de manger telle autre espèce de poisson. C'est un exemple type de légalisme : en voulant respecter de façon stricte la loi du Carême, ces hommes se sont paradoxament trouvés anthropophages, au point de violer théoriquement l'abstinence puisqu'ils ont mangé des bouts de viande de cadavres (il y avait eu une bataille particulièrement sanglante et les corps jonchaient la rivière où ils avaient péché les poissons). Si j'ai bonne mémoire vous pourrez lire cette anecdote dans l'ouvrage du seigneur Joinville, bien que je sois incapable de vous indiquer le passage exact.
Mais venons-en au fait : de quelle manière certains prêtres et fidèles catholiques sont-ils légalistes aujourd'hui ?
Dès qu'une révélation privée a été réprouvée par le Saint-Siège ou par un évêque, ces personnes s'empressent de dire (parfois même chez les modernistes) : "cette apparition est réprouvée par l'Église."
Ou encore, dès qu'un livre a été mis à l'Index, ils disent : "ce livre est condamné par l'Église."
Or, si les faits démontrent de manière évidente que la condamnation est injuste, elle est nulle devant Dieu et les membres de l'Église ne sont pas tenus de la suivre, contrairement à ce qu'on entend souvent dire.
Cette considération est très importante, car si un prêtre est ami avec un autre prêtre qui est injustement excommunié, le premier a le droit d'entendre la confession du second et de lui administrer les sacrements : il ne doit pas tenir compte de la condamnation injuste.
Je parle évidemment d'un cas où l'injustice est manifeste.
Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus a dit dans ses mémoires que plusieurs excommuniés plaisaient davantage à Dieu que ceux qui les avaient condamnés, après avoir vu à Rome des excommunications semble-t-il abusives.
Quand des prêtres affirment que les révélations de Soeur Faustine ont été mises à l'Index, et qu'on leur explique que le cardinal Ottaviani s'est rétracté (c'est lui qui est à l'origine de la décision du Saint Office), ils répondent souvent qu'il faut s'en tenir à ce que l'Église a décidé. Or c'est du pur et simple légalisme : à partir du moment où le cardinal Ottaviani s'est rétracté, et où les faits démontrent que la réprobation initiale reposait sur de mauvaises traductions, il ne faut pas tenir compte de la mise à l'Index. Il s'était passé la même chose pour les révélations de Marie d'Agréda, et la décision du Saint Office avait été considérée si manifestement injuste que le roi d'Espagne en personne avait prié l'organisme romain de revoir son jugement. L'Église avait même dû tolérer les révélations de Marie d'Agréda en Espagne (comme si la vérité n'avait qu'une seule patrie !).
On peut dire la même chose des révélations privées : quand un lieu d'apparition a été réprouvé de façon manifestement injuste par un évêque ou par le Saint Office lui-même, il ne faut tenir aucun compte de la condamnation, pas plus qu'il ne fallait tenir compte de la condamnation prononcée par le Sanhédrin contre Notre-Seigneur Jésus-Christ ; et la comparaison est pertinente, car s'opposer à des révélations authentiquement divines, c'est s'opposer à Dieu ; les combattre, c'est combattre Dieu.
Contrairement à une idée reçue, on peut croire à l'authenticité d'une révélation avant que l'Église en ait décidé ; on peut y croire au titre d'un jugement privé.
Il y a peu, un guérardien me disait : "mais dans ce cas, comment je sais si elle est vraie ?" Tout simplement par l'usage de la raison ! De même nous savons que la foi catholique est la seule véritable, parce que notre raison permet de le conclure. Comme l'enseigne St. Augustin, s'il n'existait pas de preuves de la véracité de notre foi, nous ne serions pas tenus de croire. Donc il existe des justifications rationnelles à la foi.
Le XIXème et le XXème siècle comptent de nombreux cas d'apparitions réprouvées par des évêques souvent malhonnêtes ou au minimum imprudents. Ils se sont comportés comme les pharisiens de la Nouvelle Alliance, et leur attitude a beaucoup contribué à la crise actuelle de l'Église. Cela, nos prêtres catholiques orthodoxes n'en parlent jamais, parce qu'ils sont influencés par le rationalisme hostile aux révélations privées, qui date de l'affaire du quiétisme : après avoir réprouvé la fausse mystique on s'est plu à réprouver la vraie mystique.
L'un des cas les plus scandaleux de l'histoire ecclésiastique est celui des révélations de Mirebeau : je vous conseille vivement de vous renseigner sur ce lieu d'apparitions et sur la manière dont Mgr Vachère a été injustement condamné et excommunié. La mystique Thérèse Neumann a dit qu'il été innocent, et qu'il était mort comme un saint. Or, je verrais bien des gens de nos milieux affirmer de façon péremptoire "il a été condamné par Saint Pie X en personne". Sauf que d'une part ça n'est pas prouvé (car le Saint Office a déjà commis le tort d'agir en son propre nom tout en se réclamant du Souverain Pontife), et d'autre part Saint Pie X a reçu des informations erronées et des documents falsifiés.
Saint Pie X n'a pas examiné personnellement les faits, et donc il ne pouvait y avoir infailliblité. D'ailleurs à ma connaissance l'infaillibilité concerne surtout le cas où le pape condamne une fausse doctrine énoncée sur un lieu de (pseudos) apparitions.
Un autre cas d'injustice manifeste est celui des apparitions d'Heroldsbach, et cela n'a pas seulement été dit dans les exorcismes suisses mais dans d'autres sources d'informations : je l'ai vu écrit et confirmé dans un ouvrage sur les pleurs d'une statue miraculeuse en Belgique, où il était dit que la commission d'enquête d'Heroldsbach avait employé des procédés malhonnêtes (les membres étaient francs-maçons).
Donc il est faux de prétendre qu'il faut toujours obéir de façon inconditionnelle aux congrégations romaines ou aux évêques...