Parmi les personnes disposées à croire à la survie du Pape Paul VI, certains disent que ce qui les retient, c'est la question du concile Vatican II ; or le problème est qu'ils ont été influencés par les erreurs des prêtres sédévacantistes...
L'Église est infaillible sous le rapport du magistère ordinaire ou du magistère extraordinaire ; mais l'infaillibilité ne s'envisage pas in globo, elle s'envisage suivant chaque enseignement particulier contenu dans un acte du magistère quel qu'il soit (ordinaire ou extraordinaire). Ainsi, dans la Bulle de Pie IX définissant l'Immaculée Conception, seule la définition est infaillible : les arguments du pape, eux, ne le sont pas. Vous lirez cela dans tous les manuels de théologie. Or, quand on parle à un prêtre ou à un fidèle sédévacantiste, on voit presque systématiquement qu'ils ne sont même pas capables de comprendre que l'infaillibilité ne s'envisage pas in globo : ils parlent véritablement comme si tout le contenu des actes du magistère (ordinaire ou extraordinaire) était infaillible ; ce qui est absolument faux !
Malheureusement, cette erreur de cancre se retrouve dans presque tous leurs livres : et c'est ce qui explique qu'après avoir admis que Vatican II n'a pas proposé de définition (sous le rapport du magistère extraordinaire donc), ils disent qu'il a proposé des enseignements doctrinaux sous le rapport du magistère ordinaire. En d'autres termes, les sédévacantistes ne connaissent que deux types d'enseignements : ceux du magistère extraordinaire, et ceux du magistère ordinaire. Or, il en existe plutôt trois (sans compter les canonisations, la discipline universelle,etc.) : les enseignements infaillibles du magistère extraordinaire, les enseignements infaillibles du magistère ordinaire, et enfin les enseignements dénués de caractère infaillible (tant sous le rapport du magistère ordinaire que sous le rapport du magistère extraordinaire).
Lorsque l'on fait voir aux sédévacantistes que l'une des conditions majeures de l'infaillibilité est la volonté du pape de lier toute l'Église, ils répondent que c'est une conception "volontariste" ; mais c'est la doctrine catholique, enseignée par tous les manuels de théologie ! J'ai consulté les meilleurs ouvrages sur l'infaillibilité, en langue anglaise, disponibles gratuitement sur internet : donc je sais très bien de quoi je parle.
Les sédévacantistes sont d'ailleurs souvent allergiques au terme de "conditions", spécialement l'abbé Ricossa ; pourtant c'est le terme qu'emploient les manuels de théologie, encore une fois ! En réalité, la raison tient à ce qu'ils voudraient faire croire à leurs fidèles que le pape est infaillible à chaque fois qu'il évoque des questions de foi ou de morale (même sans y apporter de réponse définitive) ! Or c'est une affirmation de leur propre crû, de leur invention. En fait, ils font de l'infaillibilité pontificale (et de l'infaillibilité en général) un synonyme de l'inerrance biblique ! Pour eux, l'infaillibilité et l'inerrance sont quasiment identiques, à ceci près que la première vaut pour les enseignements du pape ou de l'Église, tandis que l'autre vaut pour les enseignements de la Bible !
Il n'y a pas longtemps j'étais chez un sédévacantiste, et il disait que lorsque le pape parle, c'est Dieu qui parle à travers lui ; or au point de vue dogmatique c'est faux. C'est vrai dans un sens spirituel, mais pas dans un sens dogmatique ou juridique : l'encyclopédie new advent dit bien que l'infaillibilité n'est pas synonyme d'inspiration ; elle signifie simplement que les enseignements considérés sont dénués d'erreur (en d'autres termes qu'ils sont infailliblement vrais) ; mais elle ne signifie pas que ces enseignements n'auraient pas pu être meilleurs, avec une argumentation plus brillante.
En réalité, à chaque fois qu'on parle d'un acte du magistère quel qu'il soit, il faut s'attacher à savoir si l'enseignement considéré est définitif ou non. Dans le cas du magistère extraordinaire les enseignements définitifs sont faciles à identifier : il est facile de voir, par exemple, que la définition de l'Immaculée Conception, ou encore la proclamation du dogme de l'Assomption, impliquent une intention de lier toute l'Église en proposant un enseignement irrévocable. Mais dans le cas du magistère ordinaire, c'est souvent plus difficile : donc pour savoir si l'enseignement considéré est infaillible ou non, il faut regarder si d'autres papes ont déjà dit la même chose par le passé. Il s'agit d'un critère de l'infaillibilité du magistère ordinaire, et non pas d'une condition à proprement parler. Critère et condition ne sont pas synonymes.
Sur cette question précise, il faut savoir que Mgr Sanbon a fait preuve d'une grande malhonnêteté quand il a accusé la Fraternité Saint Pie X de décrire ainsi l'infaillibilité du magistère ordinaire, comme si elle inventait sa propre théologie pour justifier son attitude pratique vis-à-vis de Rome : car ce que la FSSPX enseigne à ce titre se retrouve dans les manuels de théologie : donc ce n'est pas elle qui est novatrice, ce sont plutôt les sédévacantistes, et Mgr Sanbon lui-même. Ces derniers vont souvent jusqu'à nier l'existence des enseignements non-infaillibles du magistère, alors que presque tous les manuels de théologie en parlent, y compris les articles de Mgr Fenton, grand théologien anti-moderniste, qui était loin d'avoir une conception réductrice de l'infaillibilité.
Les propos de Mgr Sanbon et des autres sédévacantistes séduisent certains fidèles, car ils sont si simplistes et caricaturaux qu'ils leur présentent une explication facile à comprendre, et en apparence dénuée de compromis ; et ces mêmes fidèles croient voir dans la position de la Fraternité Saint Pie X une forme de compromission. En d'autres termes, le sédévacantisme séduit les fidèles sans instruction juridique et ecclésiologique. Ils sont conquis par ce raisonnement de bas étage :
-Vatican II contient des erreurs/hérésies ;
-or le pape ne peut enseigner des erreurs/hérésies ;
-donc Paul VI n'était pas pape.
(erreurs = position guérardienne, hérésies = position sédévacantiste)
Dans le cas du sédévacantisme la majeure est fausse : Vatican II ne contient pas d'hérésies au sens strict du terme ; et dans le cas du guérardisme c'est la mineure qui est fausse, car elle est incomplète ; il faudrait dire : « le pape ne peut enseigner des erreurs au titre de son magistère irréformable ».
Mais chez les sédévacantistes, précisément, les enseignements réformables n'existent pas. Or vous ne trouverez aucun manuel qui enseigne une pareille ineptie.
En fait, les sédévacantistes font la même chose que les feeneyistes (qui séduisent eux aussi beaucoup de gens, par leur raisonnement tout aussi primaire) : ils citent des théologiens et auteurs ecclésiastiques ayant résumé l'infaillibilité pontificale ou l'infaillibilité de l'Église, et ils disent « l'infaillibilité, c'est ça : le pape est infaillible dès qu'il formule une doctrine sur la foi ou les mœurs ». C'est la même argumentation que les feeneyistes lorsqu'ils citent une collection de citations des Pères sur la maxime « hors de l'Église point de salut ». À chaque fois il s'agit de résumés, et non pas de développements détaillés sur la question ; car les développements récusent justement la position de leur secte !
Les sédévacantistes vous citeront Mgr Gaume ou quelque autre auteur résumant l'enseignement de l'Église sur l'infaillibilité ; mais ils ne citent pas les développements sur l'infaillibilité. C'est la stratégie du « piège à gogo », à savoir une escroquerie de nature à tromper les simples.
Lorsqu'on résume l'infaillibilité du pape, on peut effectivement dire qu'il est infaillible quand il enseigne une doctrine sur la foi ou les mœurs en tant que pasteur et docteur de tous les chrétiens ; mais dans la pratique il s'agit de s'avoir si les conditions de l'infaillibilité sont remplies ; oui, je parle bien de conditions, terme juridique incontournable à la fois dans le droit civil et dans le droit ecclésiastique, n'en déplaise à tous ces sédévacantistes qui en font une allergie ! Les meilleurs auteurs ecclésiastiques utilisent ce terme, et l'on oserait le critiquer ?!
L'une des conditions les plus importantes de l'infaillibilité est le caractère irrévocable de l'enseignement considéré. Dans le cas du magistère extraordinaire il est aisé de savoir si le pape a eu la volonté de déterminer irrévocablement la question, et dans le cas du magistère ordinaire le critère est souvent le précédent : d'autres papes ont-ils répondu de la même manière par le passé ? S'agit-il d'une tradition ? Dans une telle situation, pour ma part je parlerais davantage de critère que de condition : ce n'est pas une condition de l'infaillibilité, dans le sens où le pape peut très bien utiliser son magistère ordinaire pour fixer irrévocablement une question nouvelle ; mais c'est un critère permettant de discerner le caractère irrévocable ou non de l'enseignement, lorsque le pape ne l'a pas clairement manifesté. Par exemple, il est faux de dire, comme on l'entend souvent dans nos milieux, que le Syllabus du Pape Pie IX est clairement infaillible : le Pape lui-même ne l'a pas présenté comme tel, et les théologiens ont été divisés sur ce point ; mais plusieurs des enseignements du Syllabus sont évidemment infaillibles, parce qu'ils ont été repris par d'autres papes ou parce qu'ils ont été repris dans d'autres documents, avec plus d'autorité.
Contrairement à une erreur que j'ai pu moi-même commettre, la condamnation d'erreurs n'implique pas nécessairement d'infaillibilité : il faut vraiment que l'enseignement ait un caractère irrévocable. Quand la doctrine d'un ouvrage est condamné, l'enseignement du pape est infaillible ; mais la condamnation d'erreurs in abstracto, en-dehors d'un livre, est un cas différent.
Vatican II a été convoqué par un pape accepté pacifiquement par toute l'Église : Jean XXIII. Il comprenait les évêques du monde entier, présumés catholiques : même ceux qui étaient secrètement hérétiques étaient simplement des hérétiques non-déclarés, ce qui signifie qu'ils étaient réputés catholiques. Or, des évêques réputés catholiques ne peuvent pas enseigner l'hérésie avec unanimité morale. C'est la raison pour laquelle les guérardiens les plus instruits (spécialement l'abbé Ricossa et l'abbé Belmont) reconnaissent eux-mêmes que Vatican II n'a pas pu enseigner l'hérésie au sens strict. Une telle chose serait contraire à l'enseignement du magistère ordinaire universel, à savoir cet enseignement des théologiens selon lequel les évêques sont collectivement immunisés contre l'hérésie. Comme je l'ai prouvé dans mon ouvrage (« La survie de Paul VI : une certitude de foi »), même durant la crise arienne et le concile de Constance, les évêques n'ont pas enseigné l'hérésie avec unanimité morale.
Mais précisément, quelle est la différence entre erreur et hérésie ? Saint Augustin a avoué que cette question était très complexe, et il semble qu'il ne l'ait jamais évoquée en détail, alors qu'il s'était proposé de le faire. Néanmoins, il a suggéré que la particularité de l'hérésie était la rébellion contre l'autorité de l'Église ; et c'est ce que les théologiens ont retenu à sa suite. D'autres ont ajouté que l'hérésie est :
1°) « Une proposition contraire à une vérité clairement contenue dans les livres de l'Ancien ou du Nouveau Testament » ;
2°) « Une proposition contraire à la doctrine que l'Église universelle a reçue par tradition des apôtres » ;
3°) « Une proposition contraire à la doctrine que les Pères ont, d'un consentement unanime, enseignée comme la doctrine de l'Église et un dogme de foi, fondé sur l'Écriture et la tradition » ;
4°) « Une proposition contraire à la définition expresse d'un concile général reconnu pour tel dans l'Église, sur un point de doctrine qui appartient à la foi » ;
5°) « Une proposition contraire à une doctrine reçue généralement dans toute l'Église et crue par tous les fidèles comme un dogme de foi ».
(Theologiae cursus completus, Montrouge, 1842)
Tous les évêques du monde ayant été réunis lors du concile Vatican II, il est de foi que ce concile ne peut contenir d'hérésies, les évêques étant collectivement immunisés contre l'hérésie même en l'absence de pape ; et en l'occurrence le concile était présidé par le Pape Paul VI, dernier pape accepté pacifiquement par toute l'Église (et donc infailliblement légitime).
Quant à la position guérardienne, elle est tout aussi absurde que la position sédévacantiste, car de ce que le concile comportait des erreurs, elle prétend déduire que Paul VI n'est pas pape ; or comme nous l'avons vu précédemment, il existe dans le magistère des enseignements réformables, que les théologiens désignent par la terminologie de « magistère authentique ».
Depuis le début, le concile a justement été présenté comme réformable et dénué de caractère doctrinal définitif. Lorsque les sédévacantistes et certains modernistes objectent qu'il contient des « schémas doctrinaux », ils font une fois de plus la confusion entre doctrine réformable et doctrine irréformable. Une doctrine sur la foi ou les mœurs n'est définitive (irrévocable) que lorsque le Pape a manifesté clairement qu'elle l'était. Par exemple, il est faux de dire - comme le fait le Père de Vergeron (prêtre moderniste) - que Paul VI a défini la maternité divine de la Vierge Marie lors du concile Vatican II. Le Saint-Père n'a rien défini, il a seulement proposé une doctrine, sans lui attacher de caractère définitif. Au contraire, dans l'encyclique Humanae Vitae il a clairement manifesté que son enseignement était irrévocable, comme je l'ai déjà prouvé.
Un jour, j'ai eu au téléphone un ami survivantiste, qui m'objectait que la terminologie de « magistère authentique » (au sens où je l'emploie) semblait dater de Vatican II ; mais c'est tout simplement faux, et il s'agit là d'une autre ineptie répandue par les sédévacantistes. En réalité, le magistère authentique désigne l'enseignement public du pape ou de l'Église, par opposition à l'enseignement du pape en tant que docteur privé ; et donc cette terminologie sert à distinguer :
-Le magistère seulement authentique, à savoir les enseignements qui ont un caractère public sans être infaillibles (en d'autres termes le contenu réformable du magistère ordinaire) ;
-Le magistère ordinaire, dans son contenu irréformable, qui n'est pas seulement public mais infaillible.
Les enseignements libéraux ou modernistes de Vatican II, qui ne sont pas des hérésies au sens strict mais de simples erreurs, appartiennent précisément à ce contenu réformable du magistère authentique. Si vous avez la foi catholique, c'est la seule solution à la crise de l'Église, comme l'avait reconnu Mgr Fenton lui-même, grand théologien américain, et anti-moderniste. Avant même la conclusion du concile, face aux dérives qu'il remarquait et déplorait, il eut l'intelligence de rassurer les lecteurs de sa revue en leur disant en somme : « si le concile ne devait contenir aucune erreur ce serait bien, et s'il devait contenir des erreurs, elles ne seront pas enseignées infailliblement (c'est-à-dire au titre du magistère irréformable) » (je formule à ma manière car je n'ai pas retrouvé la citation exacte).
Il n'y a pas d'autre solution, contrairement à ce que les sédévacantistes essaient de faire croire à leurs fidèles.
Si Mgr Guérard des Lauriers a inventé sa thèse erronée, c'est bien parce qu'il était confronté à ce problème insoluble de « l'Église hérétique » : à savoir l'idée que non seulement le pape mais presque tous les évêques du monde ont erré dans la foi. C'est à cette idée que mène invariablement le sédévacantisme complet. Mais le guérardisme n'est pas mieux, car le seul fait de se focaliser sur le concile Vatican II pour justifier sa soustraction d'obédience revient à dire que les évêques ont erré gravement ; or une telle chose n'est pas possible, même dans le cadre du magistère seulement « authentique ». Donc il ne faut surtout pas se focaliser sur Vatican II pour justifier notre attitude : cette erreur est beaucoup trop répandue dans nos milieux, et telle est la raison pour laquelle j'invite régulièrement mes lecteurs à ne pas centrer le problème sur Vatican II.
En fait, les guérardiens ont très bien compris qu'à ce titre, leur position n'apportait aucune solution. L'abbé Ricossa se défend en prétendant que la pertinacité des évêques modernistes dans l'hérésie n'est pas établie, et donc que la hiérarchie n'a pas sombré ; mais une telle argumentation ne règle rien, car elle vaut pour l'indéfectibilité, mais pas pour l'infaillibilité, qui sont toutes deux distinctes. L'indéfectibilité implique que l'épiscopat ne puisse sombrer en tant que corps, en tant que personne morale (par le schisme) ; tandis que l'infaillibilité implique qu'il ne puisse enseigner collectivement l'hérésie, indépendamment de toute attitude schismatique, et donc indépendamment d'une quelconque pertinacité de sa part. Mais l'abbé Ricossa semble justement ignorer que les évêques sont collectivement immunisés contre l'hérésie, car je ne n'ai jamais vu cet enseignement dans ses articles, et pire, il est allé jusqu'à écrire qu'en période de vacance l'Église n'est plus infaillible ! C'est faux, et jadis l'Inquisition aurait censuré une telle opinion : le cardinal Franzelin et l'unanimité morale des théologiens enseignent bien que l'Église demeure infaillible même en période de vacance, grâce à l'immunité des évêques contre l'hérésie :
« Assurément, il demeure dans l'Église non seulement l'indéfectibilité dans le fait de croire (appelée l'infaillibilité passive), mais également l'infaillibilité dans la proclamation de la vérité révélée (lorsqu'elle a été proposée comme de foi catholique) ; de telle sorte que même lorsque l'Église est privée temporairement de sa tête visible, il est impossible que tout le corps de l'Église enseignée, ou tout l'épiscopat dans son enseignement, s'écartent de la foi définie et sombrent dans l'hérésie ; car la permanence de l'Esprit de Vérité dans l'Église (royaume, épouse et corps du Christ), fait partie de la promesse même et de l'institution de l'indéfectibilité de l'Église, pour toujours et jusqu'à la consommation du monde. La même chose doit être dite, en vertu du même raisonnement, quant à l'unité de la communion contre un schisme universel, et quant à la vérité de la foi contre l'hérésie. Car il demeure la loi divine et la promesse d'une succession perpétuelle sur le Siège de Pierre, comme fondement et centre de l'unité catholique ; et à cette loi et cette promesse correspondent, au point de vue de l'Église, non seulement le droit et le devoir de procurer et recevoir légitimement la succession (ainsi que de garder l'unité de communion avec le Siège pétrinien même vacant), mais également l'indéfectibilité dans ce processus, en vue de l'élection du successeur à venir que l'on attend et qui viendra indéfectiblement » (Franzelin, op. cit., p. 221-223).
Mais quel est le degré d'autorité des enseignements réformables ? Et quel est leur degré de protection ?
Habituellement, ils doivent être crus d'un assentiment fondé sur la prudence, et non pas d'un assentiment de foi. Lorsque l'infaillibilité n'est pas engagée, le Pape jouit de la grâce habituelle liée au devoir d'état : il ne jouit pas d'une grâce extraordinaire. Dans des cas exceptionnels, ces enseignements peuvent même être erronés :
« Si de graves et solides raisons, spécialement des raisons théologiques, se présentent à l'esprit d'un fidèle contre les décisions du magistère authentique, soit épiscopal soit pontifical, il lui sera licite de craindre l'erreur, de ne donner qu'un assentiment conditionnel, ou même de suspendre son assentiment... » (Hunter, Theol. Dogm. Comp, vol. I, p. 492).
« Ces actes non-infallibles du magistère du Souverain Pontife n'obligent pas à croire, et ne requièrent pas une soumission absolue et définitive. Mais il incombe au fidèle d'adhérer avec un assentiment religieux et interne à chaque décision, car elles constituent des actes du magistère suprême de l'Église, et sont fondées sur des raisons naturelles et surnaturelles solides. L'obligation qu'il y a à y adhérer peut seulement cesser – et cela survient très rarement – lorsqu'une personne capable de juger de la question, après une analyse réitérée et diligente de tous les arguments, parvient à la conviction qu'une erreur a été introduite dans la décision » (Diekamp, Theol. Dogm. Man., vol. I, p. 72).
Je précise que les théologiens sus-cités n'étaient pas des hérétiques ! Hunter est même considéré comme un théologien renommé. Mais les sédévacantistes se gardent bien de les citer, car pour eux les enseignements réformables et le magistère dit « authentique » n'existent pas !
Certains théologiens disent que les enseignements du magistère authentique ne sont pas infaillibles mais "infailliblement sûrs". En réalité cette terminologie bancale ferait probablement rire bien des non-catholiques ; mais ce qu'ils veulent dire, c'est que ces enseignements ne peuvent faire errer gravement les catholiques dans la foi. Or, à cet égard le concile Vatican II ne contient pas d'hérésies, au sens des cinq points évoqués plus haut. Il ne change pas véritablement le Credo. Il ne nie pas la Présence Réelle ni aucun des articles de foi. C'est pourquoi nous parlons de façon abusive lorsque nous disons que Vatican II a donné lieu à une "nouvelle religion". D'un strict point de vue dogmatique, c'est faux.
Quant au document Nostra Aetate, il s'agit d'une forme de déclaration politique, avec des affirmations libérales ou modernistes ; il ne s'agit pas de doctrines... Donc la foi est sauve.
La revue Si si, no no a raison d'écrire qu'habituellement, les fidèles doivent adhérer sincèrement aux enseignements du magistère authentique, tout comme ils adhèrent à ceux du magistère irréformable ; mais cette même revue a également raison de dire qu'exceptionnellement, les enseignements réformables peuvent être erronés. Donc la situation qui est née avec le concile Vatican II était théologiquement possible. Il ne faut tomber ni dans les erreurs des sédévacantistes, ni dans celles d'un Vincent Morlier, qui affirme d'une manière ou d'une autre que l'Église a enseigné infailliblement l'hérésie (bien qu'il s'en défende), et ce au motif qu'elle devait être revêtue du péché comme Notre-Seigneur au Jardin des Oliviers.
Il est exact que l'Église devait être revêtue du péché, mais en ce sens qu'un concile en apparence œcuménique n'a enseigné aucune doctrine irrévocable (ce qui semble être inédit dans toute l'histoire ecclésiastique), et que ce même concile a enseigné des erreurs au titre de son magistère réformable. L'Église a bien été revêtue du péché, car la majorité de ses évêques a épousé les erreurs modernes, comme le clergé juif sous la crise maccabéenne ; mais l'infaillibilité de l'Église est sauve parce que toutes ces doctrines erronées ou ambigües sont réformables : elles n'ont pas été fixées de façon irrévocable.
En approuvant les décrets du concile Vatican II, le Pape Paul VI - qui a agit à contre-cœur - a accompli un geste prophétique, exactement comme lorsqu'il a déposé la tiare : dans le premier cas il a revêtu le manteau du péché (symbolisant l'agonie du Corps Mystique), et dans le second il a prédit l'usurpation de son trône.
Enfin, sur la question des propositions erronées de Vatican II, je terminerai par ces quelques observations :
1°) Le fait de juger de la conformité de l'enseignement du pape au magistère de l'Église relève du libre examen. Les catholiques ne sont pas autorisés à agir ainsi. Quand on craint qu'un prétendant à la papauté soit illégitime, on regarde s'il a été accepté pacifiquement par toute l'Église : on ne juge pas soi-même de la conformité de son enseignement au magistère. Et il est inutile d'objecter que la liberté religieuse a été condamnée par les papes précédents, car comme je l'ai déjà démontré ce n'était pas la même notion : la liberté religieuse condamnée par les papes précédents invoquait comme exception à l'immunité de contrainte la seule tranquillité publique ; tandis que la liberté religieuse de Dignitatis Humanae invoque l'ordre public, notion beaucoup plus large, qui permet donc beaucoup plus de coercition contre les faux cultes (l'ordre public inclut notamment l'ordre moral, ce qui n'est pas le cas de la tranquillité publique).
2°) Le concile Vatican II était présidé par un pape accepté pacifiquement par toute l'Église, comme l'a noté Mgr Fenton : il ne pouvait donc pas errer au titre du magistère irréformable.
3°) Les évêques sont collectivement immunisés contre l'hérésie, même en l'absence de pape.
4°) La doctrine du pape hérétique, qui est fausse, n'apporterait aucune solution même si elle était vraie, car elle vaut pour un pape enseignant à titre de docteur privé, et non pour un pape enseignant à l'Église universelle (sinon elle contredirait de façon évidente la doctrine de l'infaillibilité pontificale).
5°) Contrairement à une erreur sédévacantiste très répandue, l'acceptation pacifique est bien une doctrine (et non une simple opinion), enseignée par presque tous les manuels de théologie et donc par le magistère ordinaire universel. De même, la bulle du Pape Paul IV ne la contredit pas ! Cette bulle parle de la cérémonie d'obédience des cardinaux, et non pas de l'acceptation du pape par toute l'Église : elle dit qu'il est possible que tous les cardinaux ou presque adhèrent à un antipape (c'est ce qui s'est passé lors du grand schisme d'occident) ; mais elle ne dit pas que TOUTE L'ÉGLISE ou presque puisse adhérer à un antipape. Les termes mêmes de la bulle sont très clairs : praestitam ab omnibus obedientiam (« la prestation d'obéissance rendue à lui par tous », allusion à la cérémonie d'obédience des cardinaux).
Le concile Vatican II ne pouvait pas, à lui seul, motiver une soustraction d'obédience. Dans les faits, c'est la réforme liturgique qui a donné lieu à une protestation massive des catholiques orthodoxes, et non pas Vatican II proprement dit. Ainsi, la providence divine a clairement manifesté que le problème majeur était la réforme liturgique, et non pas le concile à lui seul.
C'est notamment parce que les traditionalistes se sont focalisés sur Vatican II qu'ils sont tombés dans plusieurs erreurs, et chez les sédévacantistes et les guérardiens il s'agit du problème de l'indéfectibilité de l'Église : à partir du moment où vous justifiez votre soustraction d'obédience par le refus des doctrines de Vatican II, vous prétendez nécessairement que l'épiscopat a enseigné collectivement l'hérésie, ou du moins qu'il a gravement erré dans la foi ; or une telle idée contredit la doctrine catholique, comme je l'ai expliqué plus haut.
La réforme liturgique, elle, pouvait motiver une soustraction d'obédience, parce qu'elle constituait en apparence un acte de discipline universelle, théoriquement infaillible (et en même temps elle avait un caractère nuisible évident) : sauf que c'est seulement à partir du sosie qu'elle a été imposée avec force obligatoire. Le vrai pape, lui, ne voulait pas imposer la réforme liturgique, et il a même été trompé sur la nature des documents publiés, comme nous l'avons déjà prouvé.
C'est à partir du sosie de Paul VI que les catholiques pouvaient cesser d'être en communion avec l'occupant du Vatican, et de fait c'est bien à compter de son règne qu'ils ont protesté massivement ! La providence divine ne trompe pas.