Une personne, connue dans nos milieux mais qui souhaite rester anonyme, a adressé un courriel à mon frère à propos de la question de la moralité des relations conjugales. L'intéressé, que nous appellerons ici "L'ami breton" (pour des raisons pratiques), semble faire profession de mal raisonner, tant il a l'habitude de formuler des conclusions totalement erronées et de trouver des "solutions" pleines de paradoxes. Éric Faure me l'a déjà fait remarquer lui-même.
L'ami breton accuse notamment mon frère (Simon) d'avoir influencé la position des frères Dimond quant à leur dénonciation de l'encyclique Humanae Vitae ! Comme si les frères Dimond nous lisaient régulièrement ! Ils ne parlent même pas français ! Ils ont certes des "disciples" français, mais à titre personnel ils ne parlent pas notre langue. Simon donc n'est pour rien dans leur position théologique sur les relations conjugales et l'encyclique Humanae Vitae.
En réalité, la position des frères Dimond n'est pas du tout la même que la nôtre. Ces derniers prétendent que l'usage des périodes infécondes est semblable à la contraception artificielle, et qu'elle relève du péché mortel ; or c'est absolument faux, et une fois de plus les frères Dimond interprètent le Magistère d'une façon particulièrement saugrenue, puisque le Pape Pie XII a été très clair pour dire que l'usage des périodes infécondes était licite. Mais le terme de licéité ne signifie pas que ce soit dénué de tout péché véniel : car ce que les catholiques contemporains ne comprennent pas, c'est que l'état du mariage implique une indulgence, à savoir que d'une part des péchés qui seraient mortels en dehors du mariage deviennent véniels dans le mariage, et d'autre part des actes qui seraient peccamineux en dehors du mariage deviennent bons dans le mariage.
Saint Thomas d'Aquin enseigne sans aucune ambiguïté qu'il n'y a aucune différence de nature entre la fornication et l'acte conjugal ; or la fornication est mauvaise : donc l'acte conjugal est un mal qui pour devenir bon, doit être excusé par les biens du mariage ; et partant que les fins secondaires sont subordonnées à la fin primaire, quand l'intention des époux n'est pas la procréation ou la reddition du devoir, il y a péché véniel au minimum, le mal n'étant pas intégralement excusé (mais seulement partiellement). Aussi, on distingue celui qui demande le devoir et celui qui le rend : celui qui le demande commet un péché véniel au minimum (et plus si intempérance grave), et celui qui le rend ne commet aucun péché (si ses intentions sont pures).
Les frères Dimond sont l'extrême inverse de tous les catholiques laxistes d'aujourd'hui : tandis que les catholiques laxistes ne voient aucun péché véniel dans le fait de demander le devoir conjugal sans finalité procréatrice, les frères Dimond affirment que l'usage des périodes infécondes relève du péché mortel.
En soi il n'est pas vrai que la régulation naturelle des naissances soit semblable à la contraception artificielle, car comme l'a expliqué le Pape Paul VI, premièrement elle n'a aucun caractère contre-nature, et deuxièmement elle suppose une forme de tempérance, ce qui n'est pas le cas de la contraception artificielle (ce deuxième argument est presque aussi important que le premier car le plan du salut voulu par Dieu exclut qu'on use et abuse en toute impunité des plaisirs terrestres : ce serait de l'hédonisme).
Par contre, l'usage de plantes naturelles à des fins de stérilisation est tout aussi contre-nature que la contraception artificielle : car cela revient à user de propriétés biologiques naturelles à des fins qui elles, sont véritablement contre-nature. Le but de l'acte sexuel est la procréation, et non pas le plaisir : le plaisir n'est qu'un moyen.
L'ami breton affirme que les laïcs n'ont pas l'autorité pour évoquer ces questions ; mais on peut lui répondre deux choses : premièrement pourquoi en parle-t-il lui-même, en tant que laïc ? Deuxièmement, les séminaires catholiques orthodoxes d'aujourd'hui sont des séminaires improvisés, dont le niveau est souvent très bas dans plusieurs domaines théologiques, en comparaison des séminaires d'autrefois avec leurs professeurs spécialisés : par conséquent les prêtres ne sont pas toujours mieux qualifiés que les laïcs sur certains sujets.
Je conclurai en faisant remarquer que la condamnation du Pape Innocent XI est très claire, et qu'il faut vraiment raisonner à l'envers pour adopter les conclusions des catholiques laxistes : si tous nos actes sont jugés et pesés, si même nos distractions innocentes et jusqu'à nos amitiés doivent être parfaitement réglées sur la volonté divine, alors a fortiori l'usage du mariage.
Si les époux pouvaient, sans aucun péché véniel, user du mariage pendant la grossesse et les périodes infécondes, alors leur vie serait bien confortable en comparaison de la vie des célibataires, clercs ou laïcs. On pourrait dire : "ils s'en tirent à bon compte" ; et assurément il faut être d'une sottise bien étonnante pour tomber dans une telle erreur, au point qu'on s'étonne que plusieurs théologiens renommés l'aient commise ; mais d'une part ces derniers ne représentent pas la majorité (qui a défendu l'opinion contraire), et d'autre part il s'est également trouvé des théologiens renommés pour défendre la sodomie dans le mariage, tant que "l'unicité de l'acte" est préservée ! Je préfère ne pas penser au sort que Dieu a pu leur réserver dans l'éternité, tant leur assertion fait frémir...
C'est également au nom de "l'unicité de l'acte" qu'on vante les pratiques dites des "préliminaires", qui entraînent la damnation éternelle de tant d'âmes : soit par la prolongation indécente de l'acte sexuel (vantée dans ses bulletins par un organisateur de pèlerinages dont je ne dirai pas le nom), soit par des touchers et pratiques obscènes qui font affront à l'âme chrétienne.
J'ai déjà vu une pieuse mère catholique déclarer, sur internet, que cette idéologie de "l'unicité de l'acte" et de la "synchronisation du plaisir [masculin et féminin]" était très dangereuse ; et elle a évidemment raison. D'où nos critiques vis-à-vis de l'ami Senex.
Cette idéologie selon laquelle on devrait poursuivre à tout prix la satisfaction du plaisir féminin est corrompue, efféminée, voluptueuse. Elle énerve les peuples, les dissout par leur vice et l'amour des mauvais plaisirs, plutôt que d'en faire des prêtres des artistes et des soldats, affranchis des instincts corrupteurs.
Pour ma part, en tant que catholique célibataire, je n'oserais pas déclarer que ma vie est libre de toute affection déréglée ; alors comment dire, quand on use régulièrement du mariage, et ce sans finalité procréatrice, qu'on est libre des affections déréglées, de l'adultère spirituel ? Ceux qui l'affirment se mentent à eux-mêmes, sourds à la voix de leur conscience qui leur rétorque : "vous usez et abusez des dons du Seigneur, et vous profanez le Temple qu'Il vous a confié".