Cet article constitue une correction d'un passage de mon ouvrage sur l'Apocalypse.
« Et je vis comme une mer de verre, mêlée de feu, et ceux qui avaient vaincu la bête, son image, et le nombre de son nom, qui étaient debout sur cette mer de verre, ayant des harpes de Dieu ; Et qui chantaient le cantique de Moïse, serviteur de Dieu, et le cantique de l'Agneau, en disant : Grandes et admirables sont vos oeuvres(...). Qui ne vous craindra, Seigneur, et qui ne glorifiera votre nom ? Car vous êtes seul bon, et toutes les nations viendront et adoreront en votre présence, parce que vos jugements se sont manifestés » (Ap. XV. 2-4).
Le cantique de Moïse annonce ici le triomphe des catholiques fidèles contre les méchants (les modernistes et tous les ennemis de Dieu). Le Père Kramer voit dans la mer de verre mêlée de feu une allusion à l'Exode (XIV), durant lequel les Hébreux ont échappé à l'armée de Pharaon en traversant la mer Rouge, guidés par une colonne de feu. Les Pères, saints et docteurs ont vu dans ce passage des Écritures une représentation du petit nombre des élus, et en particulier du triomphe des justes. Ici, cette allusion signifie donc que les bons catholiques se réjouiront d'avoir survécu aux assauts de la Grande Prostituée, ayant sauvé leur âme, que la contre-Église souhaitait perdre. Au chapitre XII, les antipapes de la contre-Église étaient déjà comparés à Pharaon, car la tentative du dragon de dévorer le fils de la femme n'est pas seulement une image d'Hérode essayant de tuer le Messie ; c'est une image de Pharaon essayant de tuer Moïse.
« Alors l'un des quatre êtres vivants remit aux sept anges sept coupes d'or remplies de la fureur du Dieu qui vit dans les siècles des siècles. Et le Temple fut rempli de fumée émanant de la gloire de Dieu et de sa puissance, et personne ne pouvait entrer dans le Temple, que ne fussent consommées les sept plaies des sept anges » (Ap. XV. 7-8).
Le Père Kramer écrit à ce sujet : « Les anges à leur apparition eurent le don des miracles, y compris le pouvoir d'infliger les plaies, mais ne purent exercer ce don que si l'Église les y autorisât. Il n'est pas dit lequel des quatre êtres vivants donne la coupe à l'ange, mais il est évident qu'il s'agit du premier1 qui parle à St. Jean au chapitre VI. 12, le Lion, qui vient du « sanctuaire du ciel » au chapitre XIV. 17. Le Lion est l'emblème de la royauté et représente l'autorité suprême de l'Église. C'est le PAPE ordonnant aux anges d'agir. Cet ordre se manifeste par le fait qu'il leur donne les coupes. Les coupes sont d'or pur, afin de signifier que les plaies qui y sont contenues sont décrétées par la justice et la sagesse de Dieu ».
1 Pourquoi est-ce « évident » ? Tout simplement parce qu'il semble qu'il soit toujours désigné par l'expression « l'un des quatre êtres vivants », tandis que le troisième être vivant est désigné comme « le troisième ».
2 Celui qui a une « voix de tonnerre », le tonnerre étant le symbole des décrets du Pape, comme l'a expliqué Kramer ailleurs.
(...)
Contrairement à ce que j'ai écrit dans les versions française et anglaise de mon livre, je pense désormais que les « sept anges » auxquels ces versets font allusion représentent non pas des esprits célestes mais l'Église hiérarchique, l'épiscopat uni au vrai pape, en d'autres termes les évêques qui participeront à l'excommunication du clergé moderniste. J'aurais dû y penser tout naturellement car il faut se souvenir que dans l'Apocalypse, les anges symbolisent les membres de l'épiscopat. Ce qui m'a induit à le penser, c'est le commentaire du P. Kramer sur ce passage ; l'intéressé s'éloigne quelque fois du sens symbolique pour retenir une signification littérale.
Le verset 8 dit : « Et le Temple fut rempli de fumée émanant de la gloire de Dieu et de sa puissance, et personne ne pouvait entrer dans le Temple, que ne fussent consommées les sept plaies des sept anges ».
Le P. Kramer commente ce verset ainsi : « Au moment de la dédicace du Temple, le Saint des Saints était rempli de fumée qui manifestait la présence de Dieu. Mais ici, il est fait allusion à un autre événement de l'Ancien Testament, à savoir la destruction de Coré, Dathan et Abiron, et le tumulte qui s'ensuivit. Quand Moïse et Aaron s'enfuirent près du Tabernacle, une nuée les enveloppa, et la gloire de Dieu y fut aperçue ; et personne n'osa les attaquer. Il y a également dans ce verset une allusion à Isaïe (VI. 4) qui voit le Temple rempli de fumée, signifiant la présence de Dieu et l'approche du jugement sur les méchants. Dans Habacuc (II. 20) la présence de Dieu dans le temple est une indication du triomphe prochain de l'Église sur ses ennemis. Ezéchiel (XI. 22 ff) vit la gloire de Dieu abandonnant le Temple et laissant la cité au destructeur. La gloire de Dieu retourna au Temple plus tard (XLIII. 2 ff), annonçant la restauration de la théocratie(...). Les prophètes couplent souvent le glorieux règne du Christ après l'Antéchrist avec la restauration suivant la captivité babylonienne. Dans Isaïe (LIV. 10), Dieu renvoie le prophète à Sa promesse donnée à Noé, de ne jamais plus exécuter son jugement consistant à détruire toute chair. Partant que les jugements font suite au péché, la sainteté de Dieu doit les exécuter, mais Sa providence protégera Ses enfants qui cherchent sincèrement la vraie sanctification intérieure. Il n'abandonnera pas Son Église ; Sa gloire y demeurera ».
Tous ces symboles évoqués par le Père Kramer résument bien le sens du déversement des coupes de la colère, qui annoncent le jugement de Dieu et le triomphe de son peuple contre ses ennemis, ainsi que le châtiment de la Rome apostate, comparée à la Jérusalem infidèle d'Ezéchiel : « Vous craignez l'épée, j'amènerai l'épée contre vous, oracle du Seigneur Yahvé. Je vous en ferai sortir [de la ville], je vous livrerai aux mains des étrangers, et de vous, je ferai justice. Vous tomberez par l'épée sur le territoire d'Israël, et vous saurez que je suis Yahvé ». De même, la Rome infidèle sera prise d'assaut par les « armées d'orient ». La formule employée dans le Secret de la Salette, « Dieu va vous livrer à son ennemi », fait penser aux ennemis historiques de la chrétienté, des mahométans.
Les sept coupes de la colère étant difficiles à interpréter, dans cette édition nous avons fait le choix de proposer un commentaire plus général, sans nous arrêter à chaque verset, comme nous l'avions fait précédemment. À mon sens, les coupes de la colère semblent décrire l'excommunication du clergé moderniste. Au Moyen-Âge, l'excommunication était accompagnée de malédictions ; ici les coupes de la colère rappellent ces imprécations, qui seront répercutées dans tous les diocèses, suite à la sentence prononcée par le Pape.
Certaines images, telles que le soleil qui brûle, ou les sources d'eau qui se changent en sang, pourraient signifier que le ministère de l'Église moderniste deviendra un ministère de condamnation. Le soleil représente le Christ et la vérité ; les sources d'eau, les sources de la grâce. À l'heure actuelle, un fidèle ou un prêtre moderniste « de bonne foi » peut recevoir des grâces, en raison de l'ignorance invincible ; mais lorsque l'excommunication de la fausse Église aura été déclarée, ce qui était jusque-là source de bénédictions pour les ignorants, se transformera en condamnation, comme une eau qui se change en poison.
Il est probable que les coupes de la colère doivent en outre recevoir un accomplissement littéral sous le règne de l'Antéchrist, lorsque les anges de Dieu feront pleuvoir sur son royaume des peines physiques.
Nous n'entendons pas donner une interprétation absolument complète de chaque point de l'Apocalypse, mais seulement en expliquer ce que notre intelligence peut atteindre, et en exposer les lignes de force. Non pas que nos commentaires soient généraux et vagues, mais ils ne prétendent pas fixer l'interprétation définitive des moindres détails du Livre prophétique...