Le mois dernier, l'abbé Gleize a publié sur La porte latine un article intitulé "les cornes d'un dilemme", où il admet que les deux positions théologiques suivantes ne sont pas conciliables avec la doctrine catholique :
- celle qui consiste à dire que les derniers occupants du Vatican sont légitimes mais qu'ils détruisent la foi (à cet égard, l'abbé Gleize décrit la position de la Fraternité Saint Pie X comme seulement "pratique" et non pas dogmatique) ;
- celle qui consiste à dire qu'ils ne sont pas papes et que l'église est dépourvue de chef visible depuis des dizaines d'années (le sédévacantisme).
Un tel aveu est suffisamment rare pour être salué : en écrivant cela, l'abbé Gleize manifeste une certaine humilité, à l'image de l'abbé Rioult dans un article de 2016, où ce dernier dit plus ou moins la même chose, à une différence près : selon lui une telle situation est possible (la première ou la seconde), en raison des circonstances exceptionnelles liées à la fin des temps. Or, comme nous l'avons déjà vu, quelles que soient les circonstances les caractères de la Constitution divine de l'Église ne peuvent pas être contredits (l'abbé Ricossa, par exemple, a eu le mérite de le rappeler), et trop de prêtres commettent cette erreur (les fidèles aussi).
L'article de l'abbé Gleize appelle plusieurs commentaires, car son argumentation présente quelques lacunes, notamment lorsqu'il parle du problème de la durée de la vacance du Saint Siège, où il aurait pu être beaucoup plus lapidaire et plus percutant, en expliquant que même en période de vacance, l'Église travaille à élire le prochain pape (en vertu de la perpétuité de la succession apostolique) : c'est un argument définitif contre le sédévacantisme.
Mais je veux consacrer à cette question un article bien développé ; j'en reparlerai donc plus tard.
Comme vous le savez, si nous défendons pour notre part la survie du Pape Paul VI, c'est préciséquement parce que, même sur un plan strictement théologique, il n'y a pas d'autre solution possible.
Lorsque l'abbé E. en parlait avec Mgr Lefebvre, l'intéressé lui a déjà dit "si c'était vrai, ce serait la solution". Et cette phrase exacte s'est retrouvée dans bien d'autres bouches : je l'ai moi-même déjà entendue, littéralement, en discutant de cela avec un prêtre à Fatima, en 2017. Ce prêtre espérait voir Paul VI, il espérait avoir cette consolation dont un autre prêtre a été gratifié dix ans plus tôt, en 2007, pas loin du sanctuaire ; et quand je lui répondis "nous n'en avons pas besoin pour croire", il répliqua "oui, mais quelle consolation ce serait !"
Mon ouvrage intitulé "La survie de Paul VI : une certitude de foi", publié sous une première forme dès la fin de l'année 2014, démontre en détail qu'il n'y a pas d'autre solution. Même dans nos milieux survivantistes certains l'ont au départ accueilli avec froideur, en m'objectant qu'on ne pouvait pas parler de "certitude de foi", au motif que cela n'était pas "enseigné par l'Église" : or, s'ils m'avaient lu ils auraient compris que si... Un prêtre survivantiste, qui au départ n'était pas d'accord avec moi (il y a plusieurs années), m'a dit assez récemment : "depuis, j'ai lu votre livre, j'ai lu vos arguments, et j'ai vu que vous aviez raison".
Il faut savoir qu'à l'origine, si j'ai écrit ce livre, c'est parce que j'avais lu une brochure de l'abbé Ricossa (cela me fait bien sourire en y repensant) où l'intéressé cherchait à prouver la thèse de Mgr Guérard des Lauriers, en mentionnant son débat avec l'abbé Paladino (sédévacantiste complet) ; or, en les lisant tous les deux, on s'aperçoit qu'ils se réfutent mutuellement ! L'abbé Ricossa réfute à merveille le sédévacantisme complet (ça n'est pas compliqué) et l'abbé Paladino réfute le guérardisme. Voilà dans quel contexte j'ai commencé à m'intéresser au sujet...
Pour lors, je vous laisse donc méditer ces quelques citations de l'abbé Gleize, où il avoue que la position de la Fraternité Saint Pie X est juste une position "pratique", et qu'elle ne prétend pas apporter de solution "dogmatique", parce que, selon le même abbé, il n'y en a pas (sic !) :
"À l’instar de ses quatre prédécesseurs, l’occupant actuel du Siège apostolique ouvre largement la porte à l’hérésie. Le fait est abondamment prouvé et les sept dernières années écoulées en ont vu une aggravation sans précédent. Or, aux yeux de tous les théologiens, une telle situation serait difficilement compatible avec le titre même de la papauté."
Commentaire : On peut même dire que plusieurs actes des derniers occupants du Vatican sont incompatibles avec l'infaillibilité pontificale, j'en reparlerai.
"Il est pour l’instant impossible de sortir du dilemme, si l’on se cantonne sur un plan théorique et en voulant répondre à une question de nature exclusivement dogmatique."
Commentaire : C'est faux, car l'Église, en ce genre de matière, donne des critères certains. Si ce n'était le cas, le Pape lui-même ne devrait plus être considéré comme une règle de foi certaine, parce qu'il y aurait doute sur sa personne ; or, sans certitude sur la personne du pape, comment avoir de certitude sur son infaillibilité ? Mon livre en parle abondamment.
"Que répondre dès lors à un sédévacantiste ? Non pas qu’il a tort ou raison, aux yeux de la doctrine de la foi ou de la théologie. Mais que pour l’heure, tant que la question théorique reste insoluble, l’attitude pratique qui correspond à sa position théorique pèche par imprudence."
Commentaire : Tout comme la Fraternité Saint Pie X, les sédévacantistes prennent le problème à l'envers : ils utilisent leur jugement personnel pour déterminer si tel ou tel pape a une doctrine conforme à la foi et à la morale catholique ; or nous ne sommes pas compétents pour cela, car c'est le Pape qui nous enseigne, et non pas nous qui l'enseignons. La première démarche à faire est donc de regarder quel est le dernier pape accepté par toute l'Église.