L'abstinence sexuelle de trois jours avant la Communion
Un sujet dont les prêtres et fidèles de nos milieux ne parlent jamais, y compris les sédévacantistes, si prompts à se décrire comme les gardiens des traditions.
Note introductive : La continence durant les trois jours qui précèdent la communion relève certes plus du conseil que du précepte, mais elle est décrite comme une pratique importante par le Concile de Trente. Si quelques saints tels que St. Bernardin de Sienne ont exagéré en qualifiant de porcs ceux qui la violent et de péché grave l'acte en lui-même, il ne faut pas tomber dans l'excès inverse en parlant comme si cela était inutile ou sans importance.
Il y a pas mal de temps, j'avais reçu sur ma messagerie un courriel automatique renvoyant vers un article de 2016, très documenté, émanant de la Catholic University of America Press, à propos de la suppression - en 1970, durant la crise de l'Eglise - de deux mentions du catéchisme du Concile de Trente exhortant les époux à observer la continence dans les trois jours qui précèdent la Communion.
Après avoir effectué mes propres recherches, j'ai pu constater que cette affirmation est véridique, mais j'ai également constaté que Mgr Marbeau, de son côté, a falsifié sa traduction (celle utilisée par les éditions Saint Remy), comme vous pouvez le voir ci-dessous :
TEXTE ISSU DE LA TRADUCTION FALSIFIÉE DE MGR MARBEAU
VII. Des formalités du mariage
D’abord, ils ne doivent point user de leurs droits pour leur seule satisfaction ; mais suivant les fins que Dieu Lui-même a prescrites, ainsi que nous l’avons dit plus haut. Ils ne doivent pas non plus oublier cette exhortation de Saint Paul:[33] « Que ceux qui ont des épouses, soient comme n’en ayant point. » « L’homme sage, dit Saint Jérôme,[34] aimera son épouse par raison, et non par passion ; il maîtrisera les entraînements de la nature, et ne se laissera point emporter par un aveuglement coupable ; car il n’y a rien de plus honorable que d’aimer son épouse d’un amour toujours digne. »
D’autre part, comme tous les biens s’obtiennent du Seigneur par de saintes prières, il faut enseigner aux Fidèles qu’il est à propos de vivre dans leur état de manière à accomplir leurs exercices religieux et spécialement la fréquentation des Sacrements. Il convient aussi de ne pas perdre de vue les lois de la Pénitence et des temps qui lui sont consacrés. telle est la sainte et excellence inspiration souvent suggérée par les Pères de l’Eglise.
TEXTE ORIGINEL TRADUIT PAR MGR DONEY
VII. Des formalités du mariage
D'abord on ne doit point chercher dans le mariage le plaisir des sens ; mais il faut en user suivant les fins que Dieu lui-même a prescrites, et que nous avons rappelées plus haut. Il faut que les époux se souviennent de cette exhortation de saint Paul : que ceux qui ont des épouses, soient comme n'en ayant point. L'homme sage, dit saint Jérôme, aimera son épouse par raison, et non par passion ; il maîtrisera les mouvements de la volupté, et ne se laissera point entraîner par la fureur des sens ; car il n'y a rien de plus honteux que d'aimer son épouse comme on aimerait une adultère.
Mais comme tous les biens s'obtiennent du Seigneur par de saintes prières, il faut enseigner aux fidèles qu'il est à propos de laisser de temps en temps l'usage du mariage, pour vaquer à la prière, et spécialement trois jours au moins avant que de recevoir la sainte eucharistie. Il convient même de s'en abstenir plus souvent, dans le saint temps du carême. Telle est la sainte habitude que nous ont enseignée les docteurs de l'Église. De là en effet il arrivera que les époux verrons s'augmenter tous les jours en eux les biens de l'union conjugale par une plus grande abondance de grâces ; que, remplissant leurs devoirs avec piété, ils mèneront une vie paisible et tranquille ; et qu'ils pourront concevoir une espérance ferme et solide de mériter et d'obtenir un jour les effets de l'éternelle bonté de Dieu.
TEXTE ISSU DE LA TRADUCTION FALSIFIÉE DE MGR MARBEAU
§ III. Des dispositions nécessaires pour communier
Mais la préparation de l’âme ne suffit pas ; il faut aussi apporter à la Communion certaines dispositions du corps. Ainsi nous devons nous approcher de la sainte table à jeun, c’est-à-dire sans avoir rien mangé ni rien bu depuis le milieu de la nuit, jusqu’au moment où nous recevons l’Eucharistie. La sainteté d’un si grand Sacrement demande en effet que le corps lui-même qui va devenir le temple de Notre-Seigneur Jésus-Christ, soit purifié, et autant que possible conservé digne de l’Hôte divin qui daigne descendre en lui. Voilà, à peu près, ce qu’il y a de plus nécessaire à observer pour se préparer à recevoir utilement les saints Mystères. toutes les autres dispositions peuvent facilement se rapporter et se réduire à celles que nous venons d’indiquer ici.
TEXTE ORIGINEL TRADUIT PAR MGR DONEY
§ III. Des dispositions nécessaires pour communier
Mais outre les dispositions de l'âme, il faut apporter encore à la communion certaines dispositions du corps. Ainsi nous devons la recevoir à jeun, c'est-à-dire, que nous devons n'avoir absolument rien mangé et rien bu, au moins depuis minuit jusqu'au moment où nous recevons l'eucharistie. La sainteté de ce sacrement demande aussi que les personnes engagées dans le mariage aient gardé la continence pendant quelques jours ; à l'exemple de David qui recevant les pains de proposition du grand-prêtre, protesta que lui et les siens avoient gardé la continence depuis trois jours. Voilà à peu près ce qu'il y a de plus nécessaire à observer pour se préparer dignement à la réception des saints mystères. Toutes les autres dispositions peuvent facilement se rapporter et se réduire à celle-ci.
Vous le constatez, les falsifications existaient déjà avant le Concile Vatican II, et comme par hasard, c'est toujours sur ces sujets-là.
Quand il y avait eu des polémiques suite à ma vidéo et à mes articles citant les théologiens du passé condamnant les positions sexuelles libidineuses (y compris Saint Thomas d'Aquin), en faisant des recherches j'avais découvert que des modernistes ont publié eux aussi des textes tronqués sur internet : les rares passages omis dans des livres entiers, c'étaient ceux-là ! J'en parlerai peut-être si j'ai le temps...
Quelques rappels :
Il est convenable de s'abstenir des oeuvres de la chair les dimanches et les jours saints
Notes sur la communion, page 436, Catéchisme du Concile de Trente, traduit par Mgr Doney
(comme de coutume, on distingue celui qui demande le devoir de celui qui le rend, distinction que les prêtres d'aujourd'hui semblent incapables de comprendre)
Il est convenable de s'abstenir de communier lorsqu'on a eu une pollution nocturne la veille
(sauf cas de nécessité ou phénomène lié à une maladie chronique, notamment)
"[Ce] motif de convenance tient à deux causes. L'une d'elles intervient toujours : c'est une certaine malpropreté corporelle, à cause de laquelle, par respect pour le sacrement, il ne convient pas d'approcher de l'autel; c'est pourquoi ceux qui veulent toucher quelque chose de sacré se lavent les mains; à moins qu'une telle impureté soit perpétuelle ou chronique comme la lèpre, le flux de sang et les infirmités analogues. L'autre cause, c'est le trouble de l'âme qu'entraîne la pollution nocturne, surtout lorsqu'elle s'accompagne d'une imagination impure.
Cependant, on doit passer outre à cet empêchement de convenance en cas de nécessité, par exemple, comme dit S. Grégoire, "lorsque peut-être un jour de fête l'exige, ou bien l'exercice du ministère, parce qu'il n'y a pas d'autre prêtre; c'est alors la nécessité qui commande".
Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique (tome III, Q. 80, Art. 7)
Saint Thomas et les autres théologiens du passé englobaient dans les actes "contre-nature" les positions sexuelles libidineuses
Commentaire du Livre des sentences de Pierre Lombard :
« Les relations conjugales sont contraires à la nature soit quand elles font fi du vase naturel, soit encore lorsqu'elles font fi de la position conforme à la nature. Dans le premier cas, c'est toujours un péché mortel, car aucune génération ne peut en résulter, de telle sorte que la fin naturelle est entièrement frustrée. Mais dans le second cas, ce n'est pas toujours un péché mortel, comme le disent certains, bien que cela puisse être le signe d'une passion mortellement peccamineuse ; parfois ces positions peuvent être adoptées sans péché, quand la conformation corporelle des époux ne permet pas d'autre méthode. De façon générale, plus les positions s'éloignent de la manière naturelle, plus le péché est sérieux » (Libros Sententiarum, IV, 31, 2, 3).1
Guillaume Perault (1190-1271) emploie la même distinction, évoquant d'une part les péchés contre-nature « selon la substance » (cas de la sodomie, fellation, masturbation,etc.) et d'autre part les péchés contre-nature « selon la manière, comme quand une femme monte [sur son mari] » (cas des positions libidineuses).2 Son œuvre faisait référence ; elle constitue la base de nombreux ouvrages de théologie morale.
En l'espèce, Saint Thomas d'Aquin qualifie bien de « contre-nature » les positions sexuelles libidineuses, et conformément à l'enseignement traditionnel, il considère qu'il n'y a qu'une seule position « naturelle », celle qu'on appelle aujourd'hui « le missionnaire », l'expression même constituant une allusion au fait qu'elle a été recommandée aux peuples païens lors des missions d'évangélisation, les autres postures étant jugées indécentes et contraires à la chasteté chrétienne. S'il n'y avait pas de péché à les pratiquer, Saint Thomas ne les qualifierait pas de « contre-nature ».
Quand j'ai publié ma première vidéo sur la dignité dans l'usage du mariage, je ne connaissais pas ce commentaire de Saint Thomas ; lorsque j'en ai pris connaissance, j'ai pu constater que mon raisonnement correspondait exactement au sien : à savoir que les positions sexuelles indécentes ne sont pas en elles-mêmes des péchés mortels, en tout cas pas de façon automatique (parce qu'elles ne font pas obstacle à la génération), mais qu'elles reflètent un état d'esprit, une « passion », dit Saint Thomas, qui peut être mortelle. Le recours à ces positions est parfois justifié par des raisons médicales, par exemple l'obésité ou le fait que l'homme ait un membre sexuel anormalement court (la levrette peut parfois aider dans ce genre de situation) ; en dehors de ce genre de cas, elles sont toujours peccamineuses.
À notre époque, il existe une tendance à considérer les péchés dits « véniels » comme des actions permises ; or d'une part un péché reste un péché, et d'autre part certains fautes vénielles sont à la frontière du péché mortel, en ce sens qu'elles supposent un état d'esprit, une conception de la vie qui relève du péché mortel. User de son épouse « comme d'une amante ou d'une prostituée », pour reprendre l'expression des Pères de l'Eglise, constitue une profanation du mariage, pire que la fornication. Le Père Jean-Edouard Lamy attribuait lui aussi à ces péchés (« la prostitution de la chair dans le mariage ») une gravité supérieure à celle de la fornication de deux jeunes qui cèdent à leurs passions. Quand on lit les mystiques, par exemple Sainte Brigitte de Suède ou Soeur de la Navité, on voit bien que Dieu a des exigences supérieures à celles de Ses ministres, en particulier en ces matières, où les époux commettent de nombreux péchés.
Saint Albert le Grand (1206-1280), docteur de l'Eglise, a dit la même chose que Saint Thomas : « La nature enseigne que la manière naturelle est celle où la femme est couchée sur le dos pendant que le mari repose sur son ventre » (Commentarii in IV Sententiarum Dist. XXIII-L).
Dans sa Somme théologique1, le docteur angélique expose la loi naturelle et la doctrine catholique en matière de chasteté :
« Comme on l'a vu plus haut, il y a une espèce déterminée de luxure là où se rencontre une raison spéciale de difformité rendant l'acte sexuel indécent. Mais cela peut exister de deux façons : d'une première façon, parce que cela s'oppose à la droite raison, ce qui est commun à tout vice de luxure ; d'une autre façon, parce que, en outre, cela contredit en lui-même l'ordre naturel de l'acte sexuel qui convient à l'espèce humaine ; c'est là ce qu'on appelle "vice contre nature". Il peut se produire de plusieurs manières.
« D'une première manière, lorsqu'en l'absence de toute union charnelle, pour se procurer le plaisir vénérien, on provoque la pollution : ce qui appartient au péché d'impureté que certains appellent masturbation. - D'une autre manière, lorsque l'on accomplit l'union chamelle avec un être qui n'est pas de l'espèce humaine : ce qui s'appelle bestialité. - D'une troisième manière, lorsqu'on a des rapports sexuels avec une personne qui n'est pas du sexe complémentaire, par exemple homme avec homme ou femme avec femme : ce qui se nomme vice de Sodome. - D'une quatrième manière, lorsqu'on n'observe pas le mode naturel de l'accouplement, soit en n'utilisant pas l'organe voulu soit en employant des pratiques monstrueuses et bestiales pour s'accoupler. »2
Ce dernier passage de la Somme théologique fait écho au commentaire des œuvres de Pierre Lombard que nous avons cité plus haut : « Les relations conjugales sont contraires à la nature soit quand elles font fi du vase naturel [''l'organe voulu''], soit encore lorsqu'elles font fi de la position conforme à la nature [les ''pratiques monstrueuses et bestiales''] ». On notera la force et la gravité des termes employés ici par Saint Thomas : si de nombreux catholiques de la tradition lisaient cela, leur visage changerait de contenance en songeant à la façon dont ils vivent dans le mariage.
Le terme « bestial » se retrouve chez Saint Augustin et chez plusieurs théologiens : « L'union de l'homme et de la femme en vue de la procréation constitue le bien naturel du mariage. Mais celui qui en use de façon bestiale en fait mauvais usage, et sa fin est l'assouvissement de la concupiscence, plutôt que le désir de la génération ».3 À la fin du chapitre 10 de ce même livre, Saint Augutin écrit que l'acte conjugal doit être accompli de la façon prescrite par la nature, ce qui a souvent été interprété comme une allusion aux positions sexuelles par les auteurs du Moyen-Âge. Quoi qu'il en soit, nous l'avons vu plus haut, les Pères de l'Eglise évitaient d'être trop explicites en cette matière, se contentant de dire que les époux ne devaient pas s'unir à la façon des adultères, ce que tout le monde peut comprendre – c'était une façon pudique de recommander la décence dans le mariage.
Sanchez qualifiait lui aussi de « bestiales » les positions sexuelles anormales : « Puisque la nature prescrit cette manière aux bêtes, l'homme qui en prend le goût devient semblable à elles ».4 Ainsi, on voit que le terme choisi pour qualifier ces attitudes fait allusion au mode d'accouplement de la plupart des animaux, c'est-à-dire la levrette, qui est la position lubrique par excellence, chez les époux sans retenue.
Saint Thomas et Saint Albert le Grand ne sont évidemment pas les seuls théologiens à avoir réprouvé les positions sexuelles libidineuses : Burchard de Worms (965-1025) dans son célèbre pénitientiel5, Saint Pierre Damien (1007-1072)6 Gérard de Crémone (1114-1187)7, Johannes Teutonicus (1180-1252), Alexandre de Hales (1185-1245), Pierre de la Palu (1275-1342)8, Saint Antonin (1369-1459)9, Thomas Sanchez*, le Père Féline10, notamment, ont dénoncé ces actes.
1Tome II, Question 154, Article 11.
2C'est dans l'article suivant que Saint Thomas classe ces péchés de luxure par ordre de gravité, et réitère la distinction entre les péchés contre-nature selon la substance et selon le mode : « Ensuite, c'est le péché de celui qui n'observe pas le mode qui convient pour l'union sexuelle. Et si l'on n'utilise pas l'organe sexuel qui convient, le vice est plus grave que si le désordre concerne seulement le mode de l'union ».
3 Le bien du mariage (419 A.D.). Sur le mariage et la concupiscence, Livre I, chapitre 5.
4De sancto martrimonii sacramento.
5Décret, Livre XIX, cap. 5. « Tu t'es accouplé avec ton épouse ou avec une autre par derrière, à la manière des chiens ? Si tu l'as fait, ta pénitence sera de dix jours au pain et à l'eau ».
6Liber Gomorrhianus.
7Canon de médecine.
8Commentaire sur les Sentences (d. XXXI, q. 3, art. 2, 5°) : « Certains disent(...)que l'homme qui connaît sa femme d'une manière innacoutumée, même dans le vase naturel, pèche mortellement, si cela est fait pour rechercher une plus grande volupté ».
9De matrimonio, chap. 20, « L'acte conjugal ». La position naturelle y est décrite comme celle où « la femme repose sur le dos et l'homme monte sur son ventre, cette méthode étant plus adaptée à la conception que les autres. Si l'on s'éloigne de cette méthode et que l'homme est couvert par la femme (quand elle lui monte dessus), plusieurs disent qu'il s'agit d'un péché mortel ».
10Catéchisme des gens mariés.
1Il n'est nul hasard si le « théologien » moderniste Arnaud Dumouch a laissé de côté ce passage dans sa traduction des œuvres de Saint Thomas disponible en ligne sur internet : ce passage n'a pas été traduit ! Le webmaster du site « Jésus Marie » (l'abbé Pagès ?), s'est livré au même genre de censure dans sa transcription de livres de théologie morale. Les chrétiens d'aujourd'hui ne veulent pas qu'il soit dit que la morale réprouve les positions sexuelles indécentes...
2Summa de virtutibus et vitiis.