Un jour où je me trouvais dans un cercle de jeunes catholiques, on se moqua un peu de moi parce que je disais que dans la règle primitive du droit canon, la chasse était défendue aux prêtres ; on me répondit que c'était uniquement le cas de la chasse à courre.
Or, voici ce que dit l'encyclopédie catholique américaine (au cas où le sujet vous intéresse) :
"Depuis les temps les plus anciens, la chasse sous toutes ses formes a été interdite aux prêtres. Dans le Corpus Juris Canonici (C. ii, X, De cleric. venat.), on lit : "Nous interdisons à tous les serviteurs de Dieu de chasser et faire des expéditions à travers les bois avec des chiens ; nous leur interdisons aussi d'avoir des faucons". Le quatrième Concile du Latran, tenu sous Innocent III décrète en son canon XV : "Nous interdisons la chasse ou l'usage des faucons à tous les clercs". Le décret du Concile de Trente est plus modéré : "Les clercs s'abstiendront de la chasse illicite et de l'usage des faucons" (Session XXIV, De reform. c. xii). Le concile semble suggérer que toute chasse n'est pas nécessairement illicite, et les canonistes font généralement une distinction entre la chasse bruyante (clamorosa) et silencieuse (quieta), déclarant que seule la seconde est licite.
Ferraris (s.v. "Clercicus", art. 6) affirme que c'est l'interprétation générale des canonistes que chasser est permis aux clercs si cela se fait rarement et pour une cause suffisante, comme une récréation honnête ou utile, et avec cette retenue propre à l'état ecclésiastique. Toutefois, Ziegler (De episc., I. IV, c. xix) pense que cette interprétation des canonistes n'est pas en accord avec la lettre ou l'esprit des lois de l'Eglise.
Néanmoins, bien que la distinction entre la chasse licite ou illicite soit indubitablement permise, il est certain qu'un évêque peut prohiber complètement la chasse dans son diocèse. Cela s'est pratiqué aux synodes de Milan, Avignon, Liège, Cologne et ailleurs. Benoît XIV (De synodo dioeces., I. II, c. x) déclare que ces décrets synodaux ne sont pas trop sévères, en ce que la prohibition est plus conforme à la loi ecclésiastique. En pratique, par conséquent, les statuts synodaux des diverses localités doivent être consultés pour voir si la chasse silencieuse est permise ou pas.
Quelques citations émanant d'autres sources :
"Les ecclésiastiques et les religieux ne peuvent chasser sans pécher, parce que cela leur est défendu par un très grand nombre de canons : on en trouve plus de trente dans la seule collection de Binius, qui renferment cette défense(...). Ces défenses ne doivent s'entendre cependant que de la chasse qui se fait avec du bruit [des chiens ou des armes], et non de celle qui se fait tranquillement et sans clameur, comme de tendre des filets [la chasse avec des pièges]" (Encyclopédie catholique de l'abbé Glaire, 1844).
"La chasse est défendue aux clercs par les canons(...). Les motifs de cette défense sont exprimés avec énergie dans les canons 8, 9, 10 et suiv., dist. 86, tirés des œuvres de saint Augustin, de saint Jérôme, et de saint Ambroise(...). On donne encore pour raison que la chasse contribue à former une habitude de cruauté, contraire à cet esprit de paix et de miséricorde qui doit éclater dans toute la conduite des clercs.
"Il semble que saint Ambroise, par ces paroles, n'excepte aucune sorte de chasse ; car puisqu'il est nécessaire de faire également pour toutes les apprêts dont il parle, il ne doit être permis en aucun cas au clerc de chasser. Mais ce n'est pas là l'interprétation de la glose et des docteurs sur le chapitre Episcopum, de Cler. ven. Ils ont estimé que la défense faite aux clercs de chasser ne se rapportait qu'à cette espèce de chasse périlleuse, ou du moins si bruyante, qu'elle produit scandale, et nullement à la chasse privée et tranquille [donc sans armes à feu et sans chiens], où l'on trouve une récréation utile et souvent nécesaire à la santé ; de sorte que quand un clerc n'aura pas de meutes, qu'il ne chassera pas en société nombreuse, et surtout quand il n'ira pas à la chasse des bêtes fauves, rien ne l'empêchera, pour se récréer, de chasser paisiblement et avec la décence convenable à son état ; dans le doute même s'il est tombé dans le cas de la chasse tumultueuse ou tranquille, on présume en sa faveur qu'il n'a chassé que licitement (Barbosa, de Jura eccles., lib. I, cap. 40, n. 70 et seq.) [ces derniers mots relèvent de l'argumentation jésuitique : avec une telle façon de raisonner on peut priver toutes les règles ecclésiastiques de leur utilité]. Cependant, malgré ce sentiment, la plupart des évêques de France défendent, sous peine de suspense [interdiction de dire la Messe !], toute espèce de chasse aux clercs constitués dans les ordres sacrés. On peut voir dans Benoît XIV, de Synodo, lib. XI, cap. 10, n°8, avec quelle sévérité il défend la chasse même tranquille, assurant qu'elle est contraire aux saints canons, comme toute autre. Il ajoute qu'un clerc serait irrégulier, comme l'a souvent déclaré la congrégation du concile de Trente, si par hasard, en prenant l'exercice de la chasse, il ôtait la vie à quelqu'un [c'est en effet l'un des risques majeurs de la chasse pour un prêtre]. Mais la chasse bruyante, qui se ferait avec des armes et des chiens, est tellement interdite aux clercs, qu'ils pécheraient mortellement s'ils s'y livraient souvent. Cependant un prêtre qui ne chasserait que très rarement et sans scandale, ne pécherait que légèrement, d'après le sentiment du cardinal de Lugo, de Lessius, de Sylvius et de Vasques (Voy. Saint Liguori, lib. III, n. 606). Il en serait autrement, comme le font remarquer Collet et les Conférences d'Angers, s'il s'agissait d'un diocèse où la chasse serait défendue aux clercs sous peine de suspense encourue par le seul fait » (Cours alphabétique et méthodique de droit canon, par l'abbé André, 1844)."
"Obligations négatives [du sacerdoce]. S'abstenir de tout ce qui ne convient pas aux clercs(...). Être armé, à moins de nécessité ; s'adonner à la chasse(...)" (Manuel de droit canon conforme aux plus récentes décisions du Saint-Siège, par Émile Jombart, Doyen de la faculté de droit canonique de l'Institut catholique de Toulouse, 1958).