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In Nomine Domini

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« Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité » (Jean XVIII. 37)


Le sédévacantisme : une hérésie ?

Publié par Jean-Baptiste sur 26 Novembre 2014, 10:39am

L'un des meilleurs livres pour comprendre l'hérésie du sédévacantisme, et l'absurdité de toutes les thèses autres que celle de la survie de Paul VI, a été écrit paradoxalement par un guérardien (donc un sédévacantiste refoulé) :

Extraits de mon prochain livre, à paraître très bientôt :

La survie du Pape Paul VI est la seule solution théologique valable, du moins lorsqu'on la compare au lefebvrisme, au sédévacantisme complet et au guérardisme. Le lefebvrisme est une hérésie car il nie l'infaillibilité pontificale. Si quelqu'un est pape, il est infaillible et on doit lui obéir ; si vous ne lui obéissez pas, vous n'êtes pas catholique. Sur ce point, les sédévacantistes ont raison. Quant au sédévacantisme dit « complet », c'est une hérésie au moins depuis 1991, car cette thèse affirme que Pie XII est le dernier pape légitime ; or, le cardinal Paul-Émile Léger étant mort en 1991, il n'existerait plus de cardinaux valides pour élire un prochain pape – donc plus de succession apostolique. Aussi, il s'agit d'une hérésie contre la perpétuité de la succession apostolique définie lors du Concile Vatican I, en sa Constitution Pastor Aeternus.

Certains sédévacantistes complets tentent de résoudre la question en disant que nous sommes arrivés à la fin du monde ; mais le Christ n'est pas revenu sur terre le 13 novembre 1991, jour de la mort du cardinal Paul-Émile Léger ; or la perpétuité de la succession apostolique doit demeurer jusqu'au retour du Christ. D'autres sédévacantistes affirment que le prochain pape sera élu par Élie et Hénoch ; mais Élie et Hénoch ne sont pas cardinaux. Cette idée est donc charismatique. Or, Notre-Seigneur a fondé une Église hiérarchique, et non une Église charismatique.

Précisément, et corrélativement, le sédévacantisme complet est également une hérésie au regard de la visibilité de l'Église. L'Église étant essentiellement hiérarchique, elle doit être visible par les évêques soumis au Pape. Pour les sédévacantistes complets, et même pour les guérardiens, les évêques traditionalistes n'ont pas de juridiction. Or, plus de juridiction = plus de hiérarchie, et plus de hiérarchie = plus d'Église visible. À ce sujet, l'abbé Paladino, ainsi que Louis-Hubert Remy et d'autres sédévacantistes, citent le Secret de la Salette, en particulier « l'éclipse de l'Église ». Mais Mélanie de la Salette avait commenté cette prédiction, en disant explicitement qu'elle se référait à un conflit de légitimité papal. Elle avait dit : « d'abord, on ne saura plus quel est le vrai pape ».

Dans les prophéties privées, les antipapes sont souvent comparés à des lunes. L'éclipse de l'Église se réfère donc à l'éclipse du soleil qu'est le vrai pape, par la lune qu'est le faux pape. La Salette évoquait un pape durant la crise affreuse, ce qui ne correspond pas à la thèse sédévacantiste. Il n'est pas honnête de la part des sédévacantistes de faire fi des commentaires de Mélanie. Le critère de la visibilité de l'Église est suffisant à lui seul pour dénoncer l'erreur – l'hérésie ? – du sédévacantisme. Il n'est donc même pas besoin de recourir à l'argument de l'infaillibilité de l'acte d'élection du conclave pour réfuter et le sédévacantisme complet et le guérardisme. Cependant, il convient tout de même d'en dire deux mots...

Quasiment tous les sédévacantistes nient l'infaillibilité de l'acte d'élection du conclave, notamment en invoquant la Bulle Paul IV ; or, cette Bulle ne concerne que les conclaves irréguliers.1 Citons-la d'abord :

« ...Si jamais il advient qu’un évêque, même ayant fonction d’archevêque, de patriarche ou de primat ; qu’un cardinal de l’Église romaine, même légat ; qu’un souverain pontife même, avant leur promotion ou leur élévation au cardinalat ou au souverain pontificat, ont dévié de la foi catholique ou bien sont tombés dans quelque hérésie, la promotion ou l’élévation, même si cette dernière a eu lieu avec l’assentiment unanime de tous les cardinaux, est nulle, invalide, vaine... Toutes leurs paroles, tous leurs faits et gestes, tous leurs actes administratifs, avec tout ce qui en découle, n'ont pas le moindre effet juridique, et ne confèrent à personne le moindre droit. Ces personnes ainsi promues ou élevées seraient, par le fait même, sans qu'il faille quelque autre déclaration ultérieure, privées de toute dignité, position, honneur, titre, autorité, fonction et pouvoir à la fois... »2

Ce que presque personne ne comprend, c'est que le Pape Paul IV, lorsqu'il dit « tous les cardinaux », ne parle pas d'un conclave régulier pour autant (ce serait à notre sens impossible). Il envisage simplement la pire hypothèse. Donnons un exemple : imaginons qu'un pape soit élu validement lors d'un conclave ; puis tous ces cardinaux se rebellent et convoquent un nouveau conclave, où ils élisent un antipape. Alors, le second conclave est irrégulier, car le premier était valide et ces cardinaux schismatiques ont souhaité convoquer un conclave du vivant du pape légitime. C'était presque la situation du Pape Urbain VI, car des seize cardinaux qui l'ont élu en avril 1378, treize se sont rebellés et ont élu l'antipape Clément VII six mois plus tard ; et cependant, Urbain VI était le pape légitime ! La situation où tous les cardinaux membres d'un conclave feraient schisme après avoir élu validement un pape, est tout-à-fait envisageable théologiquement, car pour pallier à leur défection, ce pape pourrait toujours créer d'autres cardinaux ; d'où le fait qu'Urbain VI, en l'occurrence, en ait créé vingt-neuf.

Clément Lécuyer, dans un article du 15 mars 2013, écrit : «  Comment peut-on évoquer une quelconque infaillibilité du Conclave alors que le Concile Vatican I définit que l'infaillibilité du magistère ordinaire universel des évêques est possible uniquement si ces derniers sont en union avec le Pape régnant(...). Affirmer le contraire revient à adhérer à la doctrine de Vatican II sur la collégialité qui affirme que le sujet de l’autorité suprême dans l’Église est le collège des évêques avec le Pape. Ceci est contraire à la doctrine définie par les Conciles de Florence et de Vatican I ». Ce à quoi M. Lécuyer ne fait pas attention, c'est que lorsque l'élu répond « accepto », il devient immédiatement pape, et donc l'acte de l'élection se fait en union avec lui. Cependant, dès que les voix des cardinaux se portent sur l'un des membres du conclave, nous pensons pour notre part impossible qu'elles désignent un ennemi de l'Église ; mais ce qu'il importe avant tout de considérer, c'est qu'il est impossible que le peuple de Dieu élise un ennemi de Dieu.

L'abbé Ricossa, lorsqu'il cite le cardinal Journet, ne cite que cette phrase qui l'arrange, du paragraphe VI intitulé « Sainteté de l'élection » : « On ne veut pas dire par ces mots que l’élection du pape se fait toujours par une infaillible assistance puisqu’il est des cas où l’élection est invalide, où elle demeure douteuse, où elle reste donc en suspens ». Or, dans tout le paragraphe précédent, le cardinal Journet avait expliqué que l'acte d'élection était infaillible ; il faisait ici allusion aux exceptions (d'où le terme « toujours »). Cela apparaît jusque dans le titre du paragraphe V, « Validité et certitude de l'élection » :

« L'élection [pontificale], fait remarquer Jean de Saint-Thomas, peut être invalide lorsqu'elle est faite par des personnes non qualifiées, ou lorsque, faite par des personnes qualifiées, elle pécherait par vice de forme ou porterait sur un sujet inapte, par exemple un dément ou un non-baptisé. Mais l'acceptation pacifique de l'Église universelle s'unissant actuellement à tel élu comme au chef auquel elle se soumet, est un acte où l'Église engage sa destinée. C'est donc en soi un acte infaillible, et il est immédiatement connaissable comme tel (conséquemment et médiatement, il apparaîtra que toutes les conditions prérequises à la validité de l'élection ont été réalisées). L'acceptation de l'Église s'opère soit négativement, lorsque l'élection n'est pas aussitôt combattue ; soit positivement, lorsque l'élection est d'abord acceptée par ceux qui sont présents et progressivement par les autres. Cf. Jean de Saint-Thomas, IIII, qu. 1 à 7 ; disp. 2, a. 2. Nos 1, 15, 28, 34, 40 ; pp. 228 et suivantes » (Le Verbe Incarné, excursus VII, p. 624).

Les citations tronquées de l'abbé Ricossa sont donc un signe évident de mauvaise foi : il ne veut pas qu'il soit dit que l'acte d'élection d'un conclave régulier est infaillible, car cela contredit la thèse qu'il soutient. Sa citation du cardinal Journet concernait les exceptions à l'infaillibilité, en ce qu'il s'agissait du paragraphe VI : « On ne veut pas dire par ces mots que l’élection du pape se fait toujours par une infaillible assistance puisqu’il est des cas où l’élection est invalide ». Précisément, en dehors des cas où l'élection est invalide, l'acte d'élection du conclave est infaillible ; c'est ce qu'explique le cardinal Journet, et c'est trop évident pour que l'abbé Ricossa n'ait pu s'en apercevoir ! Dans quelles situations l'élection est-elle invalide ? Notamment lorsque le conclave est convoqué du vivant d'un pape légitime, ou lorsque le sujet est inapte : par exemple dément ou non-baptisé... Mais si la validité de l'élection était conditionnée par une hypothétique « intention objective de réaliser le bien de l'Église », il ne serait plus question d'infaillibilité, car on n'aurait aucun moyen de savoir si au moment de l'élection, cette intention a existé. C'est pourquoi nous pensons qu'avant même que l'élu réponde « accepto », les voix des cardinaux ne peuvent se porter sur un ennemi de l'Église : le peuple de Dieu ne peut élire l'ennemi de Dieu. Cela semble évident, car sinon, il serait toujours loisible à ce dernier de répondre : « accepto » ! Et un ennemi de l'Église serait élu !

Plus simplement, et sans entrer dans tous ces détails, lorsque la Bulle Paul IV évoque une hérésie du futur cardinal ou du futur pape, il s'agit d'une hérésie formelle. Or, jamais Angelo Roncalli ni Jean-Baptiste Montini n'ont été convaincus d'hérésie formelle ! En application du Canon 1557 du code de droit canonique de 1917, seul le Pape peut juger des cardinaux et les convaincre d'hérésie formelle. Or, les cardinaux Roncalli et Montini ne l'ont jamais été.1 Convoquer un conclave qui comprend un membre convaincu d'hérésie formelle invalide la régularité du conclave, car l'un des sujets est inapte : aussi bien à élire qu'à être élu. D'où la bulle de Paul IV, ni plus ni moins.

1 Cf. « The errors of Sedevacantism and Ecclesiastical Law », de John Salza.

Si chacun pouvait se faire juge de qui est hérétique formel ou non, la communauté des fidèles n'aurait plus aucune assurance de la légitimité de son pape, car n'importe qui pourrait dire : avant d'être élu, il était hérétique. C'est ce que font un certain nombre de sédévacantistes américains, en affirmant par exemple que Léon XIII était un antipape parce qu'il aurait été libéral avant d'être élu, ou encore que Pie XII n'était pas pape parce qu'il a enseigné le baptême de désir. D'autres plus radicaux encore prétendent que le Saint-Siège est vacant depuis cinq siècles, car le Concile de Trente enseigne le baptême de désir. On voit à quels dangers conduit le sédévacantisme : il mène au libre examen protestant.

Les deux mille ans d'histoire de l'Église ne fournissent aucun exemple d'antipape élu lors d'un conclave régulier ; l'élu du conclave régulier est nécessairement pape : ou bien le conclave est régulier et dans ce cas l'élu légitime est élu pape infailliblement, ou bien le conclave est irrégulier et dans ce cas l'élu est illégitime et n'est qu'un antipape. Les sédévacantistes prétendent qu'il y a eu doute sur l'existence d'un pape durant le Grand Schisme d'Occident, ce qui est faux ; l'abbé Ricossa lui-même avoue que non. Nous avons publié un long article sur internet qui démontre exactement le contraire. À l'époque, saint Antonin, archevêque de Florence, qui était un canoniste illustre, avait enseigné que les catholiques devaient croire que l'un des prétendants était le vrai pape : celui qui avait été validement élu. Saint Antonin excluait donc radicalement la possibilité qu'il n'y eût aucun pape.

En réalité, si le monde catholique de l'époque était divisé, c'était soit par mauvaise foi soit par ignorance ; car il n'existait pas comme aujourd'hui de si nombreux moyens d'information. Sainte Catherine de Sienne avait très bien expliqué la situation. Six mois après avoir élu Urbain VI, les cardinaux français s'étaient réfugiés dans le Royaume de Naples et avaient élu Clément VII, en affirmant qu'ils avaient choisi Urbain VI suite à des pressions du peuple romain. Or, l'élection avait eu lieu avant qu'il y eût quelque tumulte populaire que ce soit. Ce n'était donc qu'un prétexte, un mensonge. Pendant six mois, Urbain VI avait été reconnu par l'Église universelle. Il était pape, c'était incontestable. Les cardinaux français ont cessé de le reconnaître comme pape simplement parce qu'il avait été sévère à leur encontre et qu'il avait quelques problèmes d'humeur, ce qui n'est pas catholique. Nul n'a le droit de cesser d'obéir au Pape et de faire schisme simplement parce qu'il ne s'entend pas avec lui.

Il n'existe donc aucun précédent historique à la thèse guérardienne. Il s'agit d'une thèse qui renverse le raisonnement catholique : elle affirme que l'élection du pape est conditionnée par son intention objective de faire le bien de l'Église. Or, on ne reconnaît pas le pape parce qu'il aurait « l'intention objective de faire le bien de l'Église », on le reconnaît parce qu'il a été élu régulièrement, et que par là-même, il a nécessairement l'intention objective de faire le bien de l'Église. Sinon, à chaque fois qu'un pape serait élu, les fidèles devraient poser un acte qui ne relève pas de leur compétence, puisqu'ils devraient s'interroger sur la conformité de l'enseignement du pape au Magistère de l'Église, afin de s'assurer a posteriori de sa légitimité. Or, c'est le pape lui-même qui interprète et définit l'enseignement de l'Église.

En suivant la thèse guérardienne jusqu'au bout, nous n'aurions plus aucune assurance quant à la vérité de l'enseignement de l'Église, car qui gardera les fidèles d'affirmer : tel pape a enseigné l'hérésie, donc il n'est pas pape. En voici un exemple : certains sédévacantistes nient le baptême de désir, en prétendant qu'il contredit la doctrine catholique ; or, qui les gardera d'affirmer : le Concile de Trente a enseigné le baptême de désir, donc Pie IV n'était pas pape.

Ces thèses théologiques sont un gouffre insondable, elles suivent un chemin inverse au raisonnement catholique. Nous, nous avons la foi ; nous défendons la sainte foi catholique, apostolique et romaine. Les sédévacantistes inventent une Église schismatique, sans pape, sans juridiction. Dans n'importe quel catéchisme, il est écrit que les prêtres ont toujours une juridiction ; sinon, ce sont des prêtres schismatiques ; et eux, ils prétendent n'avoir plus de hiérarchie, plus de juridiction. En cela, quelle différence avec les sectes, avec l'Église des saints des derniers temps, et quelque autre encore ?

Nous, nous avons un pape, et nous avons une Église. Lors du sacre des évêques d'Ecône, Mgr Lefebvre avait bénéficié du mandat de Paul VI (supra), qui était en vie à l'époque. Nous avons donc un pape, une juridiction et une Église. Tous les méandres du raisonnement lefebvriste et sédévacantiste, toutes les hérésies de ces derniers, sont dues à leur refus de croire en la survie du Pape Paul VI. C'est une constante de l'Histoire Sainte : en refusant d'obéir à Dieu, les hommes tombent dans des ornières plus profondes que celles dont ils prétendaient se défendre ! Au contraire, la survie de Paul VI règle tous les problèmes, même celui du Concile Vatican II, car un concile peut être annulé du vivant du pape qui l'a convoqué. Par ailleurs, nous avons déjà expliqué que le Saint-Père a voulu éviter un plus grand mal : s'il avait dénoncé et annulé le concile dès les années 60, cela aurait provoqué un schisme. Seule la mystique permet de saisir le sens de cette situation, comme l'avait compris Theodor Kolberg qui a mentionné dans ses ouvrages le pèlerinage de Paul VI à Fumone, sur la tombe du Pape Célestin V, qui préféra s'exiler et mourir en prison, et même abandonner sa charge, plutôt que de causer un schisme. Paul VI, lui, n'a pas abandonné sa charge à proprement parler, mais il en a pour ainsi dire été destitué par les faux papes, les loups lui ont ravi la bergerie, comme Anne-Catherine Emmerick l'avait annoncé.

Une citation de l'abbé Ricossa offre un très bon résumé de l'absurdité du sédévacantisme : « Comment est-il possible que l'Église existe encore, telle que Jésus-Christ l'a constituée, si toute la hiérarchie a définitivement et totalement disparu ? » Cela vaut en réalité aussi bien pour le guérardisme, qui nie le fait que les évêques traditionalistes possèdent une juridiction ; or, sans juridiction, il n'y a plus de hiérarchie ; et sans hiérarchie, il n'y a plus d'Église. La brochure de l'abbé Ricossa, « L'abbé Paladino et la « Thèse de Cassiciacum » », est donc certainement l'une des meilleures démonstrations de l'hérésie du sédévacantisme. L'abbé Ricossa reproche à l'abbé Paladino de se faire « l'ennemi involontaire du sédévacantisme », mais il en va de même de lui : quiconque lit son exposé avec bon sens comprend l'absurdité des principales thèses soutenues actuellement face au drame et au martyre de l'Église. Le lefebvrisme contredit l'infaillibilité pontificale, et quant au sédévacantisme et au guérardisme, ils contredisent l'infaillibilité du conclave régulier, la perpétuité de la succession apostolique, et la visibilité de l'Église.

1 Il en va de même de la Bulle Cum tam divino du Pape Jules II, du 14 janvier 1503.

2 Paul IV, Cum ex Apostolatus Officio, 15 février 1559.

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